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L’éclipse du siècle : quand Dieu fait un clin d’œil au Québec athée


Il faut le voir pour le croire. Le Soleil et la Lune qui se sont donnés en spectacle dans un rendez-vous rarissime, que certains observateurs ont baptisé « l’éclipse du siècle ». Bien que l’éclipse totale du 8 avril s’explique par un phénomène cosmique, il est tout à fait ingrat que le créateur de tout ce beau monde soit occulté dans les conversations sur ce phénomène.

Pour moi, le spectacle a commencé dans le métro. C’était merveilleux d’observer les gens se dépêcher avec fébrilité de se rendre au parc Jean-Drapeau et au Vieux-Port afin de participer à cet évènement grandiose qui restera à jamais marqué dans leur mémoire comme le symbole de la compréhension de la science.

L’engouement pour cette manifestation céleste était palpable, et Montréal, qui a été abusée et affaiblie par les longitudinaux chantiers de construction, retrouvait finalement le sourire pour le plus grand bonheur de Valérie Plante, qui est passée en mode électoral depuis belle lurette.

À 14 h 30, rendus dans le Vieux-Montréal, ma conjointe, son fils, son neveu et moi avons décidé de nous installer à côté de Jacques Viger (plaque commémorative), le premier maire de la métropole, qui semblait suivre la monstration cosmique avec un grand intérêt.

En constatant que de nombreuses personnes se promenaient sans lunettes protectrices, je me suis empressé de distribuer six paires à un jeune couple et à une famille d’origine maghrébine qui ne savait plus comment me remercier.

Plus le moment clé (éclipse totale) approchait, plus je m’égarais dans un univers de questionnements philosophiques, dont celui-ci : comment cette cohésion sans faute, cette entente cosmique, peut-elle être le fait du hasard ?

À 15 h 25, comme prévu, la lumière qui nous met le sourire au visage, même dans les moments les plus sombres, a gentiment et totalement cédé sa place à la Lune. J’étais tétanisé de voir que nous n’avions aucun contrôle sur le déroulement de ce colossal évènement.

Cet acte de civilité astronomique, qui a duré un peu plus de deux minutes, a provoqué en moi le désir de connaître le chorégraphe qui a signé ce spectacle magnifique.

Alors que je me rendais à la salle d’entraînement avec les mêmes questionnements qui colonisaient mon esprit, mon ami Vlad, qui est d’origine haïtienne, m’a appelé et a martelé, sans même prononcer un simple bonjour : « as-tu vu le travail du Grand-Maître ? »

« De quel Grand-Maître, parles-tu, Vlad ? » ai-je répondu, sachant bien que j’ouvrais la voie à un débat.

« Ah, mon cher, ne viens pas faire l’intéressant, en agissant comme mon collègue blanc qui me parle de sciences pour commenter l’œuvre du Tout-Puissant. »

Après quelques minutes de dialectique spiritualiste, il a compris que je puisais dans la profondeur de sa foi religieuse pour rédiger un article sur le sujet.

La vérité est que mon ami Vlad n’est pas la seule personne d’origine haïtienne à évoquer le pouvoir divin pour décrire ce spectacle céleste. Je dirais même que la plupart des Québécois venus d’ailleurs ont invoqué le nom de leur Seigneur lorsque l’intégralité du disque solaire a été masquée par la Lune.

Ce n’est pas un secret qu’après la Révolution tranquille (1960-1966), période durant laquelle l’Église a été « déchouquée », l’anticléricalisme s’est emparé de la population québécoise ; et encore aujourd’hui, tout ce qui fait référence aux croyances religieuses et à Dieu est tabou.

Par exemple, à Radio-Canada, lorsque le journaliste Charles Tisseyre, animateur de l’émission Découverte, s’est servi de son éloquence pour nous décrire l’éclipse solaire totale, il ne tarissait pas d’éloges grandiloquents à l’égard du système cosmique, mais aucune mention du « mot en D ».

On peut le comprendre. Il est indubitablement un enfant de la Révolution tranquille, et d’autres vulgarisateurs scientifiques ont également occulté l’architecte du cosmos dans leur discours.

Pourtant, le grand scientifique Louis Pasteur avait dit ceci : « Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène. »

Voyez-vous, selon un sondage réalisé par Léger et Le Devoir, en 2021, un Québécois sur deux ne croit pas en Dieu. Chez les francophones du Canada et du Québec, les non-croyants sont majoritaires.

D’un autre côté, bien que je n’aie pas les informations statistiques pour le prouver, j’estime qu’il est plus juste d’affirmer que Dieu ou Allah occupe une place centrale dans les communautés noires et arabes.

Par ailleurs, il importe de savoir que je n’ai pas écrit ce texte dans le but de reprocher le Québec pour son athéisme, mais bien de démontrer que nous pouvons vivre ensemble sans être d’accord sur certaines valeurs religieuses ou culturelles.

Comme me l’a dit Anita, une lectrice, les humains devraient se rassembler comme ça plus souvent. Il y avait certes quelque chose de particulier.

Autrement dit, que vous ayez regardé l’éclipse solaire avec des lunettes scientifiques ou spirituelles, vous avez provoqué un autre phénomène qui s’appelle « la chaleur humaine ».


Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.

Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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