Les femmes noires l’ont bien compris. Quand George Floyd, âgé de 46 ans, a crié « maman… maman ! Je meurs », les femmes noires de l’Amérique et de l’Europe ont compris que l’Afro-Américain, qui souffrait sous l’emprise de son bourreau, faisait appel à elles.
En fait, dans un langage compréhensible par tous ceux qui ont visionné les 8 minutes et 46 secondes de ce racisme ouvertement explicite, George Floyd a demandé aux mères de la population noire de se battre pour leurs fils et de protéger les hommes noirs.
La femme noire, le cœur du mouvement
Je ne voudrais en aucune manière minimiser le rôle des hommes noirs dans ce combat contre le racisme, ni occulter la participation de ceux-là qu’on appelle « les alliés ».
Cependant, force est d’admettre que les femmes noires sont le cœur intellectuel et mobilisateur de ce beau mouvement en cours.
Sans prendre des détours turlututueux, j’affirmerai sans hésitation que dans ces moments de tensions raciales, où les hommes noirs font l’objet de haine et de violence, les femmes noires défendent leurs frères avec brio.
Des « fanm poto-mitan », comme on dirait dans les Antilles.
Elles sont au front de la bataille, elles sont à la télé, à la radio pour prendre la parole, bref, elles sont omniprésentes.
Ces braves femmes, jeunes et moins jeunes, qui doivent sûrement inspirer Ryan Coogler pour la suite du film Black Panther, sont en train de marquer l’histoire.
D’ailleurs, Darnella Frazier, la jeune Noire qui a filmé l’assassinat de George Floyd, a été la première arrivée au rendez-vous avec l’histoire. Disons d’emblée que, sans son geste héroïque, qui a mis la lumière sur la suprématie blanche de l’Amérique, cette révolution ne serait pas née.
N’est-ce pas l’Afro-Américain Gil Scott-Heron qui a dit « The revolution will not be televised », en 1970 ?
Eh bien, mon cher Gil – paix à ton âme, 50 ans plus tard, la révolution des Noirs américains est bel et bien télévisée, et le monde entier a pu voir des images saisissantes où tes sœurs s’interposent entre la police et les hommes noirs.
Des images qui valent mille mots et qui traduisent les maux de la société noire.
Une relève assurée
De l’esclavage au colonialisme, en passant par les marches pour les droits civiques, la présence des femmes noires dans cette résistance ininterrompue est visible.
Harriet Tubman, qui a contribué à la libération de centaines d’esclaves, et Gran Toya, qui a enseigné à Jean-Jacques Dessalines l’art de la guerre, peuvent reposer en paix dans leur tombe, car la relève est assurée.
En effet, d’un combat à l’autre, d’un mouvement à l’autre, ces femmes noires jouent un rôle de premier plan.
Qu’il s’agisse d’Assata Olugbala Shakur, une militante qui était membre du Black Panther Party, qui, durant les années 70, a étourdi le FBI, qui l’a surnommée la « Jeanne D’arc noire ».
Qu’il s’agisse de Brittany « Bree » Newsome, qui a grimpé un poteau de 30 pieds pour arracher le drapeau confédéré de la Caroline du Sud, en 2015.
Qu’il s’agisse de Tamika Mallory, qui a prononcé un vibrant discours sur les violences racistes aux États-Unis, quelques jours après le meurtre de George Floyd.
Pour continuer avec Tamika Mallory, dans une entrevue accordée à ET Iive, elle a expliqué que le fait d’être la mère d’un jeune homme noir de 21 ans l’a galvanisée pour exprimer la vérité du fond du cœur : « Le pillage, c’est ce que vous faites, vous; c’est vous qui nous l’avez appris. Vous nous avez appris la violence. Donc, agissez mieux, nous agirons mieux, a-t-elle déclaré à Minneapolis, le lieu du crime.
Combien de fois sommes-nous témoins des hommes noirs critiquant le « mauvais tempérament » des femmes noires, interprétant la passion de celles-ci comme une colère irrationnelle auprès des personnes blanches ?
Tout un dévouement à la cause noire, toute une attention particulière à l’homme noir !
À Montréal, au moment de la rédaction de ce billet, l’anthropologue et chroniqueuse Émilie Nicolas fait tout pour aider Didier Lucien, le comédien haïtiano-québécois, que l’on soupçonne d’être enfermé dans un carcan par le nationalisme québécois.
Alors que la lutte contre le racisme gagne du terrain, les organisateurs de la Fête nationale du Québec placent le « Black Lives Matter » sous silence en interdisant leur porte-parole Didier Lucien d’aborder le sujet.
Et que dire d’Anastasia Marcelin, qui, depuis des années, mène une bataille contre le profilage racial à Montréal-Nord ?
Qu’on l’aime ou non, comme elle le dit elle-même, cette jeune femme noire s’affirme avec une opiniâtreté particulière lorsqu’il s’agit de défendre l’homme noir… et la femme noire.
Les femmes noires sont-elles bien protégées?
Pourtant, les relations entre les hommes noirs et les femmes noires ne sont pas toujours au beau fixe.
D’ailleurs, il y a quelques semaines, dans une conversation où il était question de rapports homme-femme dans la communauté noire, une amie haïtiano-québécoise se lamentait sur la situation des femmes noires en Amérique.
Selon cette jeune femme, qui s’est affranchie des stéréotypes de beauté occidentale en acceptant ses cheveux crépus, les hommes noirs en font peu pour protéger leurs sœurs. Même qu’elle décèle un certain dénigrement du modèle féminin dans la Communauté.
Elle n’a pas tout à fait tort.
La protection de la femme noire par l’homme noir ne devrait pas être limitée aux gros bras et à la force physique.
Combien de fois lisons-nous sur les réseaux sociaux des insultes relatives aux cheveux des femmes noires au sein de la Communauté ?
Souvent.
Combien de fois sommes-nous témoins des hommes noirs critiquant le « mauvais tempérament » des femmes noires, interprétant la passion de celles-ci comme une colère irrationnelle auprès des personnes blanches ?
Trop souvent.
En 1962, Malcolm X nous rappelait que « La personne la moins respectée en Amérique est la femme noire. La personne la moins protégée en Amérique est la femme noire. La personne la plus négligée en Amérique est la femme noire ».
Or, malheureusement, aujourd’hui encore, cette tendance se maintient. Malgré les nombreux sacrifices que ces femmes ont consentis pour notre bien-être, nous, les hommes noirs, continuons à les négliger.
Dans cette société ( l’Occident ) raciste et machiste, nous portons rarement secours et protection aux femmes noires, qui sont écrasées par le poids de l’intersectionnalité.
En d’autres termes, nous nous soucions peu du fait qu’elles doivent combattre à la fois le racisme et le sexisme, un lourd fardeau qui les transforme en « rebelles sans pause ».
Pourquoi donc cette négligence envers les femmes noires?
En les considérant comme des « superwoman », nous nous déresponsabilisons, c’est-à-dire que nous croyons qu’elles n’ont pas besoin d’aide, quelles peuvent supporter tout ce qui leur tombe dessus.
C’est une triste situation à laquelle nous devons remédier.
En conclusion, messieurs, il convient donc de savoir qu’à l’époque de l’esclavage, tout reposait sur la femme noire, qui était mère nouricière et protectrice du foyer.
Or, aujourd’hui, il importe de reconnaître qu’elle est celle qui nous aide à respirer…
Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.
12 Commentaires
Mèesi anpil pou sa ou sot ekri.
Je suis touchée que vous ayez abordé la compliquée relation entre les hommes et les femmes de la diaspora noire.
Vous rappelez-vous dans les années 90, il y avait cette adage Black by Nature, Proud by Choice. C’est ce que j’ai appliqué toute ma vie en tant que femme noire. J’ai toutefois été extrêmement déçue et blessée par le regard méprisant, négligeant et hautain des hommes de la communauté. Nous vous avons bercé, épaulé, aimé et vous nous avez craché votre venin.
J’en suis maintenant à l’âge où je dois apprendre aux filles et jeunes femmes à ne pas être les mules d’une communauté qui les traite comme un mouchoir jetable souillé. Je suis déchirée car je vois ces jeunes femmes noires au front pour défendre leur communauté tout en sachant qu’elles risquent d’être tassées, ridiculisées ou marginalisées dès la fin de cette crise. Je vous en conjure M. Walter, vous qui parlez le langage des hommes, parlez à vos frères. Préparez les secours! C’est bien de vous protéger, c’est bien aussi d’être accueillie en héroïne et surtout d’être aimée et valorisée car en fait n’est-ce pas les hommes qui devraient protéger les femmes. À moins que…comme ces Non-Noirs qui nous considèrent comme des non-humains, les hommes noirs ne nous considèrent pas comme des femmes…
L’article 13 de la première constitution impériale d’Haïti (1805) n’a en rien aidé les femmes noires mais ça….c’est une autre histoire. Peut-être faudra-t’il tout simplement accepté que YOU are just not into US?
En temps et lieux, je vous présenterai le manifeste poétique »MAN JOZÈF ET LA POLICE » que j’ai écrit.
Kè Poze en ces temps de crise,
Facebook Mayimelle LGfeminin
Encore moi,
J’ai oublié d’écrire que sans la femme noire, eh bien, il n’y a pas de communauté noire. Il n’y a pas de culture noire.
Physiquement ou dans l’imaginaire collectif, il faut qu’il y ait la femme noire pour avoir la prétention de poursuivre l’héritage noire.
À suivre,
Merci pour ce beau billet
Merci d’aborder ce sujet. Il est vrai que la femme noire « se poto mitan » de la communauté noire. Elles ne nous ont toujours soutenus. Votre texte me motive fortement à défendre encore mieux nos soeurs.
C’était profond et criant de vérité. Nous avons encore trop tendance à négliger la femme noire et sous estimer son rôle dans nos combats et je ne parle pas de leurs luttes. Il faudrait selon moi plus accorder d’attention à leurs problèmes et plus les écouter, les soutenir également. Ça veut prendre du temps donc il faut s’y mettre des maintenant !!!
Je vous ecris depuis la Belgique, pour vous dire que la situation est la même ici. Les hommes noirs nous detestent nous les femmes noires.
Pour ma part, j’ai commencé à les ignorer complètement, et j’ai finis par les haïr, car je suis trop blessée… C’est tellement horrible que j’en sois arrivé là… j’ai commencé à consulter une psychologue pour m’aider à guerrir de cela.
Je pense que les hommes noirs ne nous ont jamais aimé, et qu’ils ne nous aimerons jamais. A partir de là, il n’y a plus aucun avenir pour la communauté. Il ne reste plus qu’à aller chacun de son côté, car ces blancs qui nous tuent sont visiblement les seuls à nous aimer.
Styna LoveTrap,
Témoins ou victimes de ces trahisons, on vous musèle, puis vous vivez de la culpabilité envers votre communauté et »vos » hommes jusqu’au jour où vous réalisez que vous avez passé la majeure partie de votre vie à vivre en attente de leurs regards, de leur reconnaissance. C’est ce que je veux éviter aux plus jeunes soeurs. Il faut être stratégique dans nos relations même au sein de notre communauté! Donnez la même énergie que l’on reçoit, pas moins, pas plus! Quant aux soeurs plus âgées, tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, il est temps de faire nos devoirs, oui, nous protégerons notre communauté car NOUS, les femmes Noires sommes sa fondation, sa raison d’exister (sous forme physique ou imaginaire) mais nous saurons également trouver l’équilibre en se respectant et pensant à nous avant TOUT. Je veux que vous soyez heureuse Madame. La vie n’est pas vaine, le monde a besoin de vos créations quelles qu’elles soient….C’est une mission être Noir….une vocation être une Femme Noire. MAN JOZÈF ET LA POLICE!
Quel magnifique plaidoyer, un vrai baume au cœur en ces temps difficiles 💓💓💓👏🏼👏🏼
Bonjour à tous,
Je précise que ce commentaire ne concerne que ma propre expérience de vie.
Ma relation avec l’homme noir occidental est nulle c’est à dire quasi inexistante … l’homme qui m’a conçu avec une femme noire n’a fait qu’être un géniteur il est parti en plantant une graine et la maman a du m’abandonner bébé (les aléas de la vie pour une femme noire seule il y’a 40 ans) mais j’ai été adoptée par des blancs ( une grâce ou une damnation je ne sais toujours pas y répondre )
J’ai cherché cet homme noir qui devait me regarder, me voir, m’apprécier me considérer comme je vois les femmes blanches se faire traiter étonnamment l’ excès de mélanine, les cheveux crépus les ont souvent rebutés, trop typé, trop noire, vilaine etc il faut être claire de peau pour qu’il vous accorde une minute de leur temps et gentillesse !
J’ai laissé tomber, je me suis tournée là où l’homme m’acceptait surprise l’homme blanc aime coucher avec nous ( par contre être en relation suivie avec une noire un peu moins) en secret évidemment! Il a trop peur des moqueries de ses paires comme ci cela dévalue son statut d’homme il faut croire. J’ai accepté d’être caché au moins quelqu’un m’accordait son temps, triste mais c est une réalité pour beaucoup de femmes noires subsaharienne nées en Occident. J’ai aussi compris que l’homme noir traite une femme noire en reine si elle ressemble à Beyoncé ou Rhianna bref c’est pas gagné pour toutes les filles bleus/noires.
Quand j ai travaillé autour d’hommes noirs à Londres leur intérêt se tournait principalement autour de la fille aux cheveux longs au teint pâle je peux comprendre elles sont jolies mais de là à nous dénigrer tout de même…
J’ai observé que les femmes noires se marient au sein de communautés religieuses ( Catholiques /Musulmanes/ Évangéliques…)
Et je me suis posée la question mais quand est il des autres ? Et en effet les statistiques sont là la femme noire occidentale est celle qui est la plus souvent seule avec enfants très souvent et non mariées!
J’observe au cours des décades que nos hommes ne font plus de foyers avec nous en Occident mais sont des super Papas et maris avec leurs épouses/ partenaires blanches !!!
Oui, l’homme noir a dénigré la femme noire bien trop et je ne vais même pas vous parler des relations encores plus compliquées en Afrique de l’Ouest où la femme noire va chercher l’eau, prépare, ouvre ses cuisses ( souvent sans plaisir car excision ) s’occupe de la cour, des enfants, des vieux plus du mari. Ce dernier souvent le lui accorde ni sourire ni regard ni reconnaissance envers sa besogne. Ç’est normal, comme si elles n’est qu’une propriété ! En effet elle n’a pas le droit de terre ( propriétés ) dans cette partie du monde si l’époux meure elle se retrouve 2/3 eme épouse du frère ou cousin !
Toutefois, nous vous donnons naissance en effet vous sortez de nos entrailles où est ce que ça n’a pas fonctionné? Quand et pourquoi la femme noire n’a plus été respectée pourquoi avez vous commencer à nous appeler ( hood rat/ slut/ thot/ bitch …) alors que c’est nous qui irons vous défendre, vous êtes nos fils et nous vos mères .
L’homme noir me tient dubitative.
Aimons nous et respectons nous vivants !!!
Messieurs soyez aussi doux et attentionnés avec nous que vous l’êtes avec les femmes caucasiennes.
Construisez des foyers pour y rester rien que par soucis psychologique et oui l’enfant noir a besoin de role model noir dans son foyer. Autant les petites filles sauront comment un homme doit les traiter et pareil pour un petit garçon sinon nous continuerons à construire des foyers dysfonctionnelles en Occident. Et c’est l’aliénation qui nous guette si elle n’est pas déjà là, le racisme on en peut plus nous sommes toutes et tous fatigués mais si au moins on pouvait s’aimer, ce serait un bon départ!
nous sommes la pour vous nous sommes vous aider
nous si.mes d accord avec les noirs et autochtones et aussi devra respect les sourds vu il y a beaucoup discrimination et pressions ça suffit aide tout le monde !
Mon très cher » Capois Lamort » je vous félicite en trois mots pour cet article : Nec Plus Ultra: sa se yon bon koutt plim…
Excellent article ! Touchant et juste. Merci.