Société

Et si on parlait de la prévalence de l’autisme chez les enfants noirs ?


Rain Man. C’est le surnom que m’ont donné des amis en raison de ma facilité à mémoriser les chronologies de l’histoire ainsi que les dates de grands évènements musicaux et sportifs. Ce surnom taquin, qui fait référence au titre du film dans lequel l’acteur américain Dustin Hoffman joue le rôle d’un autiste savant, me fait parfois sourire, mais force est de reconnaître que l’autisme n’est pas une blague. C’est un sujet qui doit être traité dans le plus grand sérieux.

Stéphanie est une mère monoparentale d’origine haïtienne. Elle a abandonné sa passion pour le voyage afin de consacrer plus de temps à son enfant autiste. L’an dernier, elle a éteint une autre passion, soit l’amour qu’elle portait à un homme qu’elle avait rencontré à la suite de sa séparation avec le père de son fils.

Cet homme, qui est entré dans sa vie comme un prince charmant, dit-elle, était insensible à l’égard de son fils Brandon, qui est âgé de 12 ans.

« Il m’a bullshitté ! Au début de notre relation, il montrait de la compréhension face à la situation de Brandon, et quelque temps après, il est devenu impatient, voire insupportable et n’hésitait pas à minimiser les cas des enfants qui sont atteints du trouble du spectre de l’autisme », m’a raconté Stéphanie, lors d’un entretien dans un café au centre-ville.

Sa voix était pleine de tristesse. Et bien qu’elle ait refusé de divulguer son âge, j’ai pu déduire que ses rides frontales, qui constituent des signes du vieillissement, ne sont que des indésirables qui ont exploité la condition de son fils pour se former autour de son visage.

Voyez-vous, l’éducation d’un enfant autiste vient avec son lot de stress et d’inquiétudes, car ses besoins sont très différents de ceux des autres enfants. Dans le cas de Stéphanie, elle est bien au fait des particularités de Brandon, qui a été diagnostiqué autiste à l’âge de 4 ans. Pourtant, elle se sent toujours désemparée devant les crises de celui-ci.

Elle a voulu me raconter son histoire dans une optique de sensibilisation, et non dans le but de recevoir une pluie de compassion.

Dit autrement, Stéphanie insiste sur le fait que les familles noires ayant des enfants autistes doivent savoir qu’un soutien et une intervention précoce sont essentiels pour le bien-être et le progrès de leurs enfants.

Qu’est-ce que l’autisme (aussi appelé trouble du spectre de l’autisme ou TSA) ?

Sur le site web d’Autism Speaks Canada, on décrit l’autisme comme une différence neurodéveloppementale permanente dans laquelle les personnes autistes perçoivent le monde, pensent et interagissent avec les autres de manière unique.

Les personnes qui sont dans le spectre de l’autisme peuvent présenter des problèmes de santé concomitants qui affectent leur santé physique globale, par exemple : l’épilepsie, l’hypotonie, des troubles du sommeil et des problèmes de digestion.

Et les problèmes de santé mentale chez ces personnes sont : l’anxiété, la dépression, le trouble obsessionnel compulsif (TOC) et le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

Lorsque j’ai interrogé Stéphanie à propos du père de son fils, le chagrin et la mélancolie se lisaient sur son visage, celle-ci fixant de manière désintéressée son café qui avait refroidi.

« Une mère reste une mère », a-t-elle commencé par philosopher. « Depuis que Brandon s’était mis dans de foudroyantes colères avec son père dans un centre commercial, ce dernier agit comme quelqu’un qui veut renier sa paternité. »

Le cas classique du père qui fuit ses rôles et responsabilités, dites-vous ?

Elle affirme cependant que de façon sporadique, elle reçoit l’aide de sa famille, mais elle préfère s’occuper elle-même de son enfant, d’autant plus que sa mère attribue la condition de son fils à un mauvais sort qu’une rivale lui a jetée.

À 5 pieds 3 pouces, Stéphanie se retrouve dans une situation où elle doit porter le monde sur ses épaules. Toutefois, elle n’est pas le seul parent des communautés noires à être confrontée à cette tâche titanesque.

Selon une étude réalisée par les Centers for Disease Control and Prevention, pour la première fois aux États-Unis, l’autisme est diagnostiqué plus fréquemment chez les enfants noirs et hispaniques que chez les enfants blancs.

Le CDC a estimé que parmi tous les enfants américains de 8 ans, 1 sur 36 était autiste. Cela représente une augmentation par rapport à 1 sur 44 en 2018.

Mais le taux a augmenté beaucoup plus rapidement pour les enfants noirs que pour les enfants blancs. D’après de nouvelles données, 3% des enfants noirs ou hispaniques ont un diagnostic d’autisme, contre 2% des enfants blancs.

Les choses ont changé.

En effet, dans le passé, l’autisme était le plus souvent diagnostiqué chez des enfants blancs.

De l’avis des experts, ce changement est attribuable à l’amélioration des services de dépistage d’autisme ainsi qu’à une grande sensibilisation et un plaidoyer en faveur des familles noires et hispaniques.

Je me souviens qu’en Haïti, quand j’allais chez ma grand-mère, dans le quartier Bel Air, il y avait un garçon qui était particulièrement différent des autres enfants. Clébert était la risée de tout le monde : il ne fréquentait pas l’école et se promenait nu dans la rue.

Malgré mon jeune âge (6 ans), j’avais pu déceler les particularités de Clébert.

Un jour, alors que mon cousin et moi jouions au soccer, Clébert saisit la balle et refusa de la redonner. Lorsque sa mère lui ordonna de nous la rendre, il piqua une crise, et semblait dire, comme le veut l’expression haïtienne « Ti Mari p ap monte, ti Mari p ap desann » (les choses vont rester les mêmes).

Je n’avais plus revu cette balle, et cet événement est resté gravé dans ma mémoire.

Or, aujourd’hui, après plusieurs années de réflexion concernant Clébert, je me rends compte que la balle est maintenant dans mon camp : les enfants autistes ont besoin de ma compréhension, qu’ils soient noirs, blancs ou asiatiques.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

2 Commentaires

  1. J’ai lu votre article.
    Étant parents de 2 enfants jumeaux atteint du trouble du spectre de l’autisme.
    Patience, compassion, compréhension sont des mots que je comprend plus que jamais. Nous sommes biens entourés au niveau spécialistes ( orthophoniste, travailleur social et/ou ergotherapeuthe.)
    Par contre, au Québec, les ressources ne sont pas toujours la à 100%. Vous savez, les parents ont besoin de répit car lew enfants autistes requièrent beaucoup plus d’efforts que des enfants neurotypiques.

    Un très bel article et à qui veut l’entendre : Ayez de la compassion, de la patience et n’hésitez pas à poser des questions aux parents d’enfants autistes. La connaissance vaut mieux que l’ignorance.

    Bonne continuité à tous.

    • Walter Innocent Jr. Répondre

      Merci beaucoup, Paul. Je viens de lire votre commentaire, donc excusez-moi pour le délai de réponse. Je suis un peu triste d’apprendre qu’au Québec, les ressources sont fugaces. D’un autre côté, je suis content de savoir que vous êtes bien entourés.

      Bonne évolution à vos jumeaux !

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