Il y a deux semaines, mon amie a tenté de s’enlever la vie. Elle était à sa deuxième tentative de suicide. Personne ne se doutait de rien, comme c’est souvent le cas dans la plupart des cas de suicide et de tentatives de suicide.
La rédaction de ce texte est quelque peu boulversante. Il risque d’être plus court que les autres, car les mots décrivant ma stupéfaction ne viennent pas aisément.
Confus et pensif, je cherche des pistes de réponses.
Pourquoi n’ai-je pas pu déceler son mal de vivre? Peut-être que j’aurais dû faire ceci, faire cela…
D’habitude, cette amie de longue date me raconte tout. Je suis son confident, celui qui l’écoute quotidiennement. Mais ces dernières semaines, elle aurait voulu que je prenne à mon tour la parole. Que je lui demande avec un peu plus de vigueur et d’assiduité si tout allait bien.
Malheureusement, des affaires personnelles et les multiples activités estivales m’ont poussé à la négliger. On se parlait peu. Elle qui déteste la communication via texto répondait froidement << ça va >> aux messages de courtoisie que je lui envoyais.
Non, ça n’allait pas! Elle avait mal. Elle ne voulait plus vivre. Malgré ses belles photos de famille qui symbolisent la »joie » que je << likais >> sur son compte Facebook, la vie lui était insupportable.
Ce pénible incident me ramène à plus d’une vingtaine d’années en arrière lorsque mon cousin a tristement mis fin à ses jours. Pour la première fois, je m’interrogeais sur le suicide, qui est un phénomène tabou dans la communauté noire.
J’essayais de comprendre l’acte suicidaire.
Quelques années plus tard, en dépit d’autres cas de suicide d’amis ou de connaissances de la communauté, mon incompréhension perdure.
N’est-il pas logique d’affirmer que moins on en parle, moins on comprend ?
En 2006, le cousin d’une personnalité publique de la communauté haïtienne m’a prophétisé sa mort. La prophétie de cet ami mélancolique s’est réalisée avec exactitude : il s’est suicidé le jour de son 40ème anniversaire.
Les membres de sa famille ont réfuté la thèse de suicide émise par les forces de l’ordre. Ils ont préféré masquer la cause réelle de sa mort par une autre. Leur silence et leur honte sont une insulte à leur cher suicidé ainsi qu’aux autres qui ne voulaient plus exister.
Pour nous, les Noirs, le suicide est une affaire de Blancs. Comme si nous appartenions au monde surhumain où la dépression chronique et le mal-être sont absents.
Quelle absurdité!
Car une étude alarmante révèle qu’aux États-unis, il y a trois fois plus de suicides chez les enfants noirs que chez les blancs.
S’il est vrai que des traits biologiques nous différencient des Caucasiens, il n’en demeure pas moins que nous sommes de la même race humaine. Nous avons besoin autant d’attention et d’affection. La souffrance intérieure ne discrimine pas, comme vous le savez.
Hier, j’ai pu avoir une longue conversation avec mon amie suicidaire. Elle se porte mieux. Elle a beaucoup apprécié mon appel téléphonique et je me sens soulagé. Sa voix rassurante m’a libéré de mon sentiment de remord. À la fin de notre causerie, nous avons conclu un accord qui nous rapprochera un peu plus.
Et vous, quand est-ce que vous allez appeler votre ami qui vous sourit sur Facebook ?
Peut-être que dans la vie réelle, cet ami-là pleure…
4 Commentaires
Walter, merci pour ce texte sur le suicide (santé mentale) qui souvent reste tabou dans notre communauté. Merci de nous donner cette plateforme qui nous permettra de sortir de l’ombre. Je suis heureux de savoir qu’elle va bien. Maintenant que je suis connecté, Je vais poursuivre tes textes, très rafraîchissant et intelligent. Keep it up!
Merci pour ta visite, cher André! Et je crois que les lecteurs tiennent également à te remercier pour tes mots positifs, qui, comme tu le dis, les encourageront à sortir de l’ombre. Aussi, j’apprécie beaucoup tes compliments. You are a class act! À bientôt, compatriote.
Ton histoire est touchante, je te remercie de la partager. J’ai vécu la même chose cet été. Une amie avait perdue espoir et je me suis dépêchée d’aller chez elle afin d’éviter le pire. Ce n’est pas évident avec la mentalité de notre peuple…
J’ai parlé de la maladie mentale chez les noirs dans une de mes émissions. Si ça te dit de l’écouter, tu m’en donneras des nouvelles : https://soundcloud.com/lheuredupunch/episode-6-saveur-fou-ananas
Rose xxo
Je te félicite pour ton intervention auprès de ton amie, Rose! J’ai écouté ton émission et je l’ai trouvée interessante. D’ailleurs, la maladie mentale est l’un de mes sujets à venir. Je te remercie beaucoup pour ta visite, chère compatriote, et continue ton bon travail à la radio.