Haïti n’est pas la perle des Antilles!
Elle ne l’a d’ailleurs jamais été. Du moins pas pour les Haïtiens.
En fait, elle a plutôt été l’enfer des Antilles.
Fredonné dans nos chansons, fièrement utilisé dans nos écrits, ce terme n’a malheureusement rien de glorieux. Il n’est qu’un psittacisme, c’est-à-dire l’art de répéter comme un perroquet des mots sans même les comprendre.
À l’école primaire, quand j’étais un innocent Innocent, je répétais machinalement ce terme (Haïti, perle des Antilles) à mon professeur et mes camarades de classe en guise de fierté pour contrer la mauvaise presse d’Haïti.
Donc, la répétition mécanique de ce terme a même atteint les étrangers.
Plus tard, quand j’ai revisité l’histoire de mon pays avec un peu plus de maturité, j’ai compris qu’en utilisant ce terme, j’insultais les Boukman, Dessalines et Capois-la-Mort.
Faisons un petit rappel historique pour mieux saisir le sens de ces mots que nous perroquetons depuis notre tendre enfance.
Haïti, qui, avant l’indépendance, formait la partie ouest de St-Domingue, était la plus riche des colonies françaises. Elle produisait la moitié du sucre mondial. Une situation qui réjouissait les colons qui n’ont pas tardé à baptiser la terre des Taïnos Perle des Antilles .
Et comme vous le savez, chers lecteurs, cette richesse a été possible par l’exploitation esclavagiste des colons. Le larbinisme, l’agenouillement, le tremblement et la peur, tels que décrits par Aimé Césaire dans son discours sur le colonialisme, ont tous été des tactiques utilisées par les colons afin de trouver leur « perle rare ».
« Guess who’s back ? »
Depuis quelques semaines, voire quelques mois, l’expression << The Pearl is back>> (La perle est de retour) est largement diffusée dans les réseaux sociaux. Des jeunes Haïtiens fiers de la beauté et du regain de vie du pays de leurs parents annoncent erronément le retour de l’époque infernale de leurs ancêtres.
En tant qu’Haïtiens, pouvons-nous négliger le poids de ces mots?
En tant que peuple libre, voulons-nous bêtement réinstaurer les chaînes esclavagistes dans notre pensée?
À ces questions, je réponds négativement.
Nous avons une pauvreté économique, et non intellectuelle.
La richesse d’Haïti
À vrai dire, mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’Histoire.
Son histoire, ce n’est pas une histoire, c’est la richesse.
En effet, j’ai toujours cru que l’histoire d’Haïti est sa plus grande richesse. Ce passé glorieux qui ouvra la porte à un monde libre ne s’achète pas. Il est unique et inestimable.
Comme disait le défunt cinéaste Pierre Falardeau, « la liberté n’est pas une marque de yogourt ». Elle n’a pas de prix.
Alors, chers compatriotes, vous comprenez que qualifier Haïti de perle de toutes les Antilles ne lui rend pas nécessairement justice. Cette désignation ne la démarque pas des autres, car la Jamaïque, la Martinique et autres belles îles de la Caraîbe peuvent autant revendiquer ce titre de beauté.
Ne dit-on pas que « tous les goûts sont dans la nature’ »?
Or, ce passé de gloire et d’héroïsme datant de 1791 à 1804 ne se trouve pas dans la nature. Il est en Haïti.
Haïti, berceau de la Liberté.
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2 Commentaires
Merci Walter Innocent Jr. J’aurais voulu lire ce texte et prendre connaissance de tes autres textes bien avant. Très beau et osé, j’aime ta façon claire et succincte de t’exprimer. Tu as une nouvelle fan.
Merci pour ces beaux mots, Naitana! J’espère vous revoir très bientôt sur le blog.