Sephen « tWitch » Boss avait toujours le sourire aux lèvres, son énergie était contagieuse, et son charisme perçait l’écran. Il avait l’habitude de nous divertir avec ses pas de danse sur TikTok et Youtube, avec la complicité de sa femme et de ses enfants. Cependant, à l’intérieur, tWitch se sentait désespéré et déprimé. Il ne voulait plus vivre. Cette semaine, il s’est servi d’une arme à feu pour mettre en œuvre ses idées suicidaires. Rideau.
Pourtant, une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux montre l’ancien DJ du Ellen DeGeneres Show en pleine possession de ses moyens, dansant et rigolant, une journée avant l’acte de mort volontaire.
La triste vérité, c’est qu’il est très difficile de repérer les personnes souffrant de dépression, à l’instar de Stephen « tWitch » Boss.
Nous connaissons tous des gens qui, sur Facebook et Instagram, cachent leurs ennuis et leur douleur derrière le sourire. Et on bombarde leurs photos de « j’aime », de commentaires élogieux, mais au fond, ce n’est pas ce qu’ils recherchent.
Certains d’entre eux n’attendent qu’un appel téléphonique de leurs amis, sans toutefois se dévoiler, en espérant que leurs subtils signaux de détresse seront reconnus.
« Bonjour Sandra ! Es-tu sûre que tout va bien ?… Oui, très bien : Claude et moi partons en voyage pour notre dixième anniversaire de mariage, les enfants brillent à l’école, j’ai été promue à un poste de cheffe d’équipe au travail, bref, c’est le bonheur. »
Faux.
Sandra (nom fictif), une quadragénaire d’origine haïtienne, a omis de mentionner que son mari et elle font chambre à part, que les ailes du papillon qui se trouve dans son ventre sont cassées depuis des années et qu’elle ne supporte plus les pressions du stress au travail.
Bien qu’elle soit au courant du fait que la santé mentale et la dépression ont été l’objet d’une attention particulière dans quelques-uns de mes articles, elle est tétanisée par la peur d’être stigmatisée, d’être la risée de ses proches.
« Les problèmes de santé mentale n’existent pas chez les Noirs », répètent certains individus afrodescendants, qui sont tombés dans un réel psittacisme.
Vraiment ?
Selon une étude de l’Université d’Ottawa, près de deux tiers des personnes noires souffrent de symptôme de dépression sévère au Canada.
Publiés dans la revue Depression and Anxiety, les résultats des travaux de recherche du professeur Jude Mary Cénat révèlent que 65% des 846 personnes noires ayant participé à l’étude de recherche souffrent de dépression sévère, et que les femmes représentent une forte majorité de ces personnes.
L’objectif de ce texte n’est pas tant de critiquer l’inaction de toute une collectivité que de sonner l’alarme et d’insister sur l’importance de la santé mentale.
En ce qui concerne la promotion de la santé mentale dans la communauté noire, des pas ont été franchis avec la création de groupes traitant du sujet sur les réseaux sociaux. Cependant, il reste encore un long chemin à parcourir pour freiner la vague de suicides qui secoue notre communauté depuis quelques années.
N’étant pas un expert en la matière, je ne peux me positionner que comme un observateur qui a connu, de loin ou de près, un nombre considérable de gens qui se sont enlevés la vie.
Véritable tabou dans notre communauté, le suicide, tout comme la dépression, a longtemps été considéré comme une affaire de Blancs, donc « une maladie caucasienne ».
Aujourd’hui, malgré les nombreux cas qui démontrent que nous ne sommes pas épargnés par ce phénomène, nous continuons de percevoir le suicide avec un regard étranger et distant.
Pourtant, ce fléau frappe constamment à la porte de la communauté noire, faisant de plus en plus de victimes.
Hier, c’était au tour de Stephen « tWitch » Boss d’en être victime, et demain, ce sera qui ? Un ami ou un membre de la famille ?
En réalité, le suicide est un tueur si proche, qui attend que des « idées noires » nous embrouillent l’esprit pour sévir.
Aux États-Unis, un rapport du Congressional Black Caucus a révélé que les tentatives de suicide chez les adolescents noirs ont augmenté de 73%, tandis que pour les jeunes hommes noirs, il s’agit d’une augmentation de 122%.
Ah, ces idées noires.
On entend par idées noires des pensées suicidaires, ce qui signifie que notre santé mentale se détériore. Généralement, cette situation résulte d’une accumulation de difficultés liées soit à une rupture amoureuse, soit à des problèmes financiers.
Nul besoin de vous dire que plusieurs d’entre nous dans la communauté noire font face à des obstacles de taille et des événements indésirables, augmentant le niveau de stress, que ce soit au travail ou à la maison.
D’ailleurs, l’étude de l’Université d’Ottawa a démontré qu’il existe un lien important entre la discrimination raciale et les symptômes dépressifs.
Or, le regretté Stephen Boss s’était beaucoup investi dans la lutte contre la brutalité policière et le racisme envers les Noirs. A-t-il été perturbé par les iniquités raciales de son pays ?
Qui sait.
Et pourtant, il est possible de prévenir le suicide. Pour ce faire, nous devons d’abord lever le tabou par une sensibilisation de masse.
Votre ami ressent une immense tristesse et n’a plus la force de vous rencontrer, de sortir pour aller prendre un verre ? Et il ne prend plus plaisir pour ce qu’il aime ?
C’est peut-être un signe de dépression, et cette personne peut passer des mois à souffrir sans partager ses sentiments de vide ou de débordement, écrasée par le poids de cet énorme tabou qui règne dans la communauté noire.
Oui, tout ce qui est lié à la santé mentale est tabou dans notre communauté.
Pourquoi maintenir le silence lorsque 800 000 personnes s’enlèvent la vie chaque année à l’échelle mondiale?
Nous devons en parler à voix haute !
Aux dernières nouvelles, mon amie Sandra va beaucoup mieux. Elle a été prise en charge par un professionnel de la santé mentale, au grand soulagement de ses proches.
Et, vous, qui souffrez de dépression et d’anxiété, quand est-ce que vous allez consulter un psy ?
Si vous ou l’un de vos proches êtes en détresse, appelez sans frais Suicide Action Montréal : 1 866-277-3553
Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.
2 Commentaires
Bonsoir. Merci bien du partage de votre texte. Pour moi, et je peux fort bien me tromper, je trouve que nous accordons beaucoup trop d’attention aux relations avec les éléments du monde extérieur tels que le partenaire amoureux ou la parteneraire amoureuse, la famille, les amis, l’argent, les biens matériels, l’emploi, que nous ne le faisons pour la relation à l’intérieur de soi-même , comment une personne se sent et pense de lui-même ou d’elle-même, s’il y a equilibrium harmonie et synergie en soi. Nous ne prenons plus assez de temps pour se questionner et savoir si nous sommes réellement bien tant sur le plan physique, psychologique, mentale, émotionnel, et de vocation.
Je pense qu’il faut un équilibre entre le monde Intérieur en Soi et le Monde Extérieur, et si on ne sent pas bien, il ne faut plus hésiter d’en parler et d’accepter qu’on est pas parfait. Si on va chez un dentiste pour des soins de bouches, il ne faut plus hésiter d’aller chez un thérapeute s’il le faut.
J’espère ne pas avoir froissé du monde. Si ce fut le cas, je suis désolé.
Bien à vous toutes et tous!
Salut
C est bien d’en parler
C est un sujet tabou dans notre communauté encore en 2023 …..c est pas une maladie pour les noirs !!! ….
Beaucoup de compatriotes ont des problèmes et refusent de consulter . ( dépression,bipolaire,trouble affectif et schizophrénie) …..
Je me souviens lors de mon divorce j’ai eu recours au service de PAE ( programme d aide aux employés) avec un psychologue qui m’a aidé à sortir de ce moment de cette séparation difficile 😞 ; pour certaines personnes y compris mon ex époux. :<« Mwen té gen folie blanc » et je t avoues aujourd’hui j ai fait le deuil de ce mariage et de tout ce qui l’entoure ….
Il faut causer pour la cause ….
Bien à toi
🇭🇹