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République dominicaine : la diaspora haïtienne doit boycotter ce pays anti-haïtien


Au début du mois d’août, alors que je sortais d’un restaurant dans le quartier Rosemont, un compatriote m’a abordé et m’a invité à participer à un atelier sur les opportunités d’affaires en République dominicaine. Lorsque j’ai fait mention du traitement inhumain que subissent les Haïtiens là-bas, cet inconnu affairiste a tenté de me rassurer en disant que les Haïtiens qui vivent aux États-Unis et au Canada ne sont pas touchés par ces turpitudes, que seuls ceux vivant dans la misère en République dominicaine sont maltraités.

Houston, ou plutôt la diaspora haïtienne, nous avons un problème !

Nous n’avons peut-être pas été victimes de naufrage spatial à bord du vaisseau Apollo 13, mais notre esprit de solidarité et nos principes dessaliniens semblent s’échouer sur les plages de la République dominicaine.

Quelle tristesse !

Pour une histoire d’eau

Gens de la Communauté, en tant qu’entité diasporique, nous devons reconnaître que la situation haïtiano-dominicaine est grave, et qu’une prise de conscience collective est urgente.

Boycottons la République dominicaine !

Pourquoi ?

Depuis le vendredi 15 septembre, toutes les frontières (terrestre, maritime et aérienne) entre Haïti et la République dominicaine sont fermées, sur les ordres du président dominicain Luis Abinader, qui s’insurge contre des travaux de construction d’un canal d’eau aux abords de la rivière Massacre, qui est partagée entre les deux pays.

Et Abinader a soutenu que la fermeture des frontières sera maintenue tant et aussi longtemps que les Haïtiens n’abandonneront pas leur projet de canal s’alimentant dans la rivière qui porte le nom d’un triste événement célèbre.

La hardiesse dont fait preuve la République dominicaine dans ce dossier démontre bien qu’elle n’a aucun égard pour son pays voisin.

Pour décrire la situation, certains ont évoqué l’incident diplomatique. Mais moi, je dis que c’est une déclaration de guerre à mots couverts, d’autant plus que l’armée dominicaine a été mobilisée.

Or, dans ce contexte de tension et de querelles territoriales, quelles sont les options qui s’offrent à Haïti, qui a dissous son armée en 1995 et qui est aux prises avec de sérieux problèmes sur son propre territoire ?

Disons que l’heure est bien choisie pour que la diaspora haïtienne joue un rôle déterminant dans les discordes haïtiano-dominicaines, car elle possède une arme qui peut faire mal à l’État dominicain, forçant celui-ci à repenser ses systèmes anti-haïtiens : il s’agit du boycottage, qui est une arme puissante et non violente.

La diaspora haïtienne ne peut pas, et ne doit pas, continuer à fermer les yeux sur les atrocités perpétrées contre les siens sur le territoire dominicain.

Plus on met les pieds en République dominicaine, plus on contribue à l’enrichissement d’un État qui risque un jour d’envahir notre pays d’origine.

Le passé génocidaire de la République dominicaine

Avant de poursuivre, je tiens à préciser que le but de ce texte n’est pas de critiquer les Haïtiens de la diaspora qui vont dépenser ou investir de l’argent en République dominicaine, mais bien de dénoncer ce pays aux idéologies génocidaires.

En effet, plusieurs d’entre nous oublient, ignorent ou minimisent ce fait historique : en octobre 1937, plus de 20 000 Haïtiens ont été tués par les militaires dominicains dans les villes du nord-ouest de la République dominicaine, sous les ordres du président et généralissime Raphael Leonidas Trujillo.

Le « massacre du Persil » n’est pas le titre d’un roman d’horreur de Stephen King, c’est le nom donné par des historiens pour illustrer l’horreur que des enfants, des femmes et des hommes ont subite en République dominicaine parce qu’ils étaient d’origine haïtienne.

Cela remonte à plus de 85 ans, argueront plusieurs. Néanmoins, la crise de la rivière Massacre montre bien que la mentalité anti-haïtienne de la République dominicaine n’a pas changé.

Autrement dit, les politiques extrémistes de Luis Abinader, qui attise la haine et la montée de la xénophobie en construisant un mur de 160 km le long de la frontière de son pays avec Haïti, sont la preuve que Trujillo a réussi à transmettre son héritage d’anti-haïtianisme.

La solidarité avant tout

Depuis le 11 novembre 2022, date à laquelle Abinader a octroyé des pouvoirs exceptionnels aux forces de l’ordre pour déporter les immigrants non documentés du pays, des dizaines de milliers de ressortissants haïtiens font l’objet d’«une chasse aux sorcières ».

Toute personne ayant la couleur de peau et les traits d’un fils ou d’une fille de Dessalines, le père de la nation haïtienne, est susceptible d’être humiliée par les autorités dominicaines.

Dans un reportage de Radio-Canada, on raconte l’histoire de Naika Pierre, 19 ans, qui est tombée dans le piège machiavélique des autorités dominicaines. Enceinte de son deuxième enfant, la jeune femme marchait vers un hôpital afin de subir une échographie lorsqu’on l’a interceptée pour ensuite l’expulser du pays.

Comme l’a rapporté le journaliste dans le reportage, l’arrestation de Mme Pierre lève le voile sur l’une des nouvelles tactiques de la police dominicaine, qui consiste à repérer les femmes haïtiennes enceintes sans papiers qui viennent accoucher dans les hôpitaux de la capitale.

Toutes ces injustices envers les Haïtiens se produisent dans l’indifférence totale de l’Occident et d’une partie de la diaspora haïtienne, qui est tombée sous le charme du soleil et du mercantilisme de la République dominicaine.

Pensez-vous que les 250 000 Québécois qui passent l’hiver en Floride continueraient d’aller dans cet État au climat subtropical si quelques-uns de leurs compatriotes étaient maltraités et humiliés aux États-Unis ?

À cela, je réponds non. La fierté de la nation québécoise passerait avant le «snowbirding ».

Le temps est venu pour nous de montrer aux Dominicains que nos racines sont profondes, et que Haïti n’est pas un pays sans honte.

Nous avons beau critiquer le gouvernement haïtien pour son inaction, mais nous, Haïtiens de la diaspora, pouvons donner l’exemple en joignant le geste à la parole.

Boycottons le tourisme et les produits dominicains !


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

4 Commentaires

  1. Encore un Excellentissime article Walt où j’ai appris des choses! Je boycotte ce pays depuis tjrs et n’y mettrai jamais les pieds. Mwen gen n’en nan figi’m. Je connais plusieurs Dominicains très sympas, mais la plupart pensent que nous ne sommes pas à leur hauteur . So je je soutiens à 100%. Boycotte total radical en ce qui me concerne!!

  2. Merci pour cet article ! Je n’avais que peu de connaissances sur les rapports entre Haïti et la République Dominicaine, mais je sais le mépris qu’ont beaucoup de Dominicains et la politique de leur pays reflète bien celui-ci

  3. Merci pour l article, il faut les boycotter absolument.
    Il faut tout boycotter des dominicaine même les salons de coiffure les filles!!

    • Walter Innocent Jr. Répondre

      Merci à vous, Flo, pour ce commentaire. C’est grandement apprécié.

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