Haïti et le Venezuela. Difficile de dissocier ces deux pays : le premier a été la première république noire, et le second a reçu l’aide de celle-ci pour ainsi libérer l’Amérique latine. Néanmoins, en dépit de cette union formée par l’histoire, les relations haïtiano-vénézuéliennes n’ont pas toujours été bonnes…
Sous la dictée impériale de l’« Oncle Sam », Jovenel Moïse, le président d’Haïti, vient d’écrire une nouvelle page de l’histoire de ces deux « pays frères ».
Une page que le peuple de Dessalines, charmé par l’haïtiannisme du défunt Hugo Chavez, aimerait bien arracher des livres d’Histoire.
Quand l’Oncle Sam s’en mêle
Revenons sur les faits saillants du 10 janvier, à l’occasion de la réunion du Conseil permanent de l’OEA, où il était question de démocratie et du président vénézuélien Nicolas Maduro.
Tout comme Pierre, qui renia Jésus après le chant du coq, le chef de l’État haïtien n’a pas reconnu la légitimité du second mandat de Nicolas Maduro, après que 18 autres pays membres de l’OEA ont voté contre l’actuel président du Venezuela.
Disons les choses ainsi : le vote d’Haïti constitue une trahison envers celui qui l’a soutenu au cours des dernières années.
Il s’agit également d’une trahison de l’idéal dessalinien, fondé sur des valeurs qui ne sont pas amies avec l’impérialisme.
Et j’avoue avoir été secoué par ce bouleversement diplomatique, qui aura peut-être des conséquences graves sur le peuple haïtien.
Étant un anti-impérialiste, je suis attristé par la démonstration du paternalisme américain à l’égard de mon pays d’origine.
Cependant, quelques jours de cogitations m’ont permis de constater que Jovenel Moïse n’a certainement pas été le premier chef d’État à craquer sous la pression américaine et faire des choix regrettables.
Qui sont les autres à s’être pliés aux exigences des États-Unis?
J’aimerais bien vous parler de l’ancien Premier ministre Tony Blair et des mensonges sur la guerre en Irak, mais ne nous éloignons pas trop. « Ghettoïsons » cette conversation en restant dans le contexte panaméricain.
L’exclusion d’Haïti
Ainsi donc, si vous me le permettez, je vous relate l’événement qui a causé l’une des premières fissures entre Haïti et le Venezuela.
Le 22 juin 1826, à l’aube de la libération de l’Amérique latine – soutenue par Haïti -, a eu lieu à Panama le premier congrès panaméricain.
Or, à cette conférence des gouvernements de l’Amérique, Haïti brillait par son absence, ou, pour mieux dire, elle sombrait dans l’oubli de Simón Bolívar, l’organisateur de la rencontre.
De ce fait, la nation dessalinienne ne pouvait consolider ses acquis de 1804 avec les autres pays de l’Amérique latine.
En d’autres termes, l’indépendance d’Haïti n’a pas été reconnue par Simón Bolívar.
Comme dirait l’éminent professeur Frédéric Boisrond, plus que jamais, Haïti était infréquentable.
Avant de poursuivre, entendons-nous sur une chose : Haïti occupe une place centrale dans l’émancipation sud-américaine. N’eût été sa contribution exceptionnelle, la Révolution bolivarienne n’aurait pas connu de succès.
Ou du moins, la libération de l’Amérique latine aurait peut-être été retardée de plusieurs décennies.
Pour la petite histoire, chers amis, rappelons que le révolutionnaire vénézuélien a sollicité l’aide – financière et militaire – de Pétion à trois reprises avant que le vent de la liberté haïtien souffle finalement sur l’Amérique du Sud.
Or, nous devons nous poser la question suivante :
Qu’est-ce qui a bien pu motiver El Libertador – Bolívar – à ne pas reconnaître l’indépendance du pays qui l’a tant aidé?
Certaines sources de l’histoire pointent du doigt l’origine africaine de la population haïtienne. Soit.
D’autres privilégient la piste de l’intimidation américaine.
Ah, l’Oncle Sam et son « macoutisme » impérial!
Les propos racistes de Maduro
Pour revenir à Jovenel Moïse et son vote controversé, ne voyez-vous pas une similitude entre son geste et celui de Simón Bolívar ?
Sans aucun doute.
Pourtant, Jean-Pierre Boyer, le président d’Haïti de l’époque, n’avait pas traité El Libertador d’esclave à la merci de ses maîtres américains quand Haïti a été exclue du congrès panaméricain.
Et que penser de Tony Blair, qui, soumis aux ordres des USA, nous a vendus le « mensonge irakien » en 2003?
Aucune association avec l’esclavage.
Alors pourquoi Nicolas Maduro s’est-il inspiré du triste passé esclavagiste du peuple noir pour insulter Jovenel Moïse?
Cet esclave ne pourra jamais enlever notre amour qui est dans notre cœur pour le peuple haïtien. Cette décision est celle de l’esclave, mais pas celle du peuple haïtien. Le président d’Haïti est le serviteur des impérialistes, travaillant dans le but d’appauvrir ce grand peuple. Que les Haïtiens prennent leur destin en main —Nicolas Maduro
En fait, ce n’est pas tant la déclaration raciste de Maduro qui m’étonne que l’insouciance de certains compatriotes de Jovenel qui secondent le Vénézuélien.
Et il est tout de même troublant qu’aucun média haïtien n’ait révélé l’ingratitude politicienne de Bolívar.
On nous rapporte le « sousouïsme » de Moïse, sans toutefois nous rappeler « l’américanisme » de Bolivar qui a marginalisé Haïti.
En conclusion, en tant qu’Haïtien, on peut ne pas adhérer aux idéologies politiques de Jovenel Moïse, mais il n’en demeure pas moins qu’il est un enfant de Dessalines.
Et selon l’idéal dessalinien, tous les enfants de la patrie doivent s’aimer, s’entraider et se secourir, même dans les pires moments.
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5 Commentaires
Salut Walter,
Je dois te dire que je n’ai pas l’habitude de commenter les articles que je lis mais le tien m’a parut particulierement interessant.
Je peux te dire aussi que j’ai aimé ton approche d’abord avec Tony Blair, ensuite Simon Bolivard lui meme pour enfin arriver Nicolas Maduro. Ça permettra aux lecteurs de se rappeler que ce n’est pas une grande première dans la politique etrangère d’un pays bien que ca n’excuse en rien M. Jovenel Moise. Toute fois je ne partage pas ton point de vu parlant du racisme de M. Maduro et je refuse d’assimiler la couleur de peau à l’esclavage. Si je me réfère à la definition fournit par Larousse: un esclave est une personne de condition non libre, considérée comme un instrument économique pouvant être vendu ou acheté, et qui est sous la dépendance d’un maître. Et j’ajouterai à cela, indepedemment de la couleur de peau car n’oublions pas le peuple juif aussi était en esclavage en Egypte. Alors bien que ton article m’ait plû en partie mais dire que M. Maduro a tenu des propos racistes c’est faire un raisonnent trop simpliste.
Dans la colonie de St. Domingue, on categorisait les esclaves en esclave des champs et en esclave à talent. Pas besoin de présenter les esclaves des champs. Les esclaves à talents etaient des femmes domestiques qui servaient le café au maitre, ça pouvait être des cireurs de chaussures, des hommes à tout faire ou bricoleur ou pire des esclaves qui battaient d’autres esclaves à la demande du maitre. Ajourd’hui nous n’avont pas les chaines physjques que l’on pourrait observer facilement mais nous sommes encbaîner logiquement et la seule erreur que M. Maduro a commis selon moi c’est d’avoir omis de préciser que M. Moise était un esclave à talent.
Wilson, merci de votre appréciation.
Quant à à la déclaration de Maduro, tout dépend de l’approche ou l’analyse de chaque personne, pour dire si les paroles du président vénézuélien sont teintées de racisme. Si vous, vous croyez que non. bien. De mon côté, je crois que oui. Il y aura toujours une ambiguité quand un Blanc on associe un Noir avec l’esclavage. C’est raciste ou non? Donc, dans ce cas, Maduro aurait pu choisir un autre terme pour illustrer la bassesse de Jovenel.
Mille Mercis pour votre visite, cher compatriote. Vous avez amené de très bons points au débat.
À bientôt.
Bonjour Walter. On apprend en lisant tes articles. Je ne savais aucunement que Haiti avait aidé soutenu la guerre d’indépendance sud-américaine.
Savoir pourquoi Bolivar a, plus tard, refusé la présence de représentants haïtiens n’est pas aisé. Qu’il ait été un raciste est possible, mais il faudrait appuyer cela avec du concret.
D’autre part, les États-Unis n’avaient pas encore le nombril sec en 1826. Ils n’exerçaient surement pas le même d’impérialisme que lors des 20 et 21e siècles. Par contre, il est possible qu’ils se méfiaient d’Haiti en raison de leur propre grand nombre d’esclaves.
Tant qu’à l’insulte de Maduro, je crois que toi et Wilson avez partiellement raison. Un type non noir qui utiliserait l’insulte esclave dans une simple discussion ou chicane le ferait probablement pour sa connotation raciste. Toutefois, cette insulte me rappelle le terme « colonisés » des souverainistes québécois envers les fédéralistes. C’est très mesquin, mais évidemment pas raciste.
Maduro aurait du éviter de tomber aussi bas. Toutefois, que l’on soit d’accord ou non avec ses politiques, on doit se rappeler qu’il lutte pour sa survie, à tout le moins politiquement. Dans la même déclaration, il clame l’amour de son gouvernement pour le peuple haïtien. En définitive, je crois qu’il visait surtout à retourner l’opinion publique haïtienne contre leur président.
Salut Luc! Tant mieux si tu apprends de nouvelles choses sur l’histoire des Noirs en lisant mes articles.
En ce qui concerne Bolivar, je ne peux pas dire qu’il était raciste, mais je sais qu’au début, il ne voulait pas s’allier aux Noirs pour mener sa lutte. Je peux comprendre les raisons de sa non reconnaissance de l’indépendance d’Haïti, mais je devrai aussi comprendre le geste de Jovenel moïse.
Et pour ce qui est Maduro, c’est très déplacé. Pour moi, dans les circonstances, ce terme-là ( esclave ) signifie nègre.
Encore merci pour ta présence éloquente, Luc. À bientôt.
PS. Tu devrais jeter un coup d’oeil sur mon plus récent article, traitant de la condition féminine en Haïti.
ACE inhibitorsdilate efferent arteriole of glomerulus a. Spoevy Plaquenil