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L’impérialisme américain : de Haïti au Canada, en passant par le Mexique


Le titre de ce texte ne décrit pas le parcours qu’empruntent les migrants haïtiens avant d’atteindre le chemin Roxham, mais bien celui de l’impérialisme de l’Oncle Sam au fil du temps. Ce bullying décomplexé qui, aujourd’hui, est ravivé par Donald Trump, nous montre son nouveau visage : il ne voit pas la couleur de peau, ne reconnaît pas ses amis et ne sait pas où il va.  

Il s’agit bien là d’une cécité à la fois politique et diplomatique. Et il est bien dommage que mes compatriotes canadiens découvrent le comportement belligérant des États-Unis aussi tardivement. 

Le samedi 1er février, il était déconcertant de voir le Canada, « le plus meilleur pays du monde », selon Jean Chrétien, être craintivement sur le qui-vive en prévision d’une éventuelle catastrophe économique causée par le président Donald Trump. 

La tentative de Trump d’instaurer des tarifs douaniers de 25 % sur tous les produits canadiens entrant aux États-Unis me rappelle ce que Haïti, mon pays d’origine, a subi aux mains de ces derniers, mais aussi une leçon que j’ai retenue des relations amicales, lors de mon adolescence. 

Quand j’étais en 1re secondaire, il y avait un dur à cuire qui semait la terreur dans le quartier Villeray. Il s’appelait Ti Garry. Par contre, celui-ci, qui était à l’orée du monde adulte, m’avait toujours démontré de l’affection. Il me traitait avec respect, comme il le faisait avec ses amis, qui étaient du même âge que lui. J’en étais fier et je me sentais privilégié. 

Quand les autres jeunes de mon âge évoquaient le côté bully de Ti Garry, je ne me sentais pas concerné, et par loyauté aveugle, il m’arrivait même de réfuter leurs affirmations. 

Avec moi, Ti Garry était gentil et tolérant. Celui qui me défendrait et me protégerait dans le quartier. 

Or, tout a changé le jour où Ti Garry s’est présenté à mon école avec un but précis : me taxer en insistant pour que je lui remette l’argent que mon père m’avait donné pour le dîner, sous le regard désapprobateur de ses disciples. 

En constatant la tristesse sur mon visage, il s’est mis à rire, puis a changé ses menaces en plaisanterie. J’étais tétanisé par cette transformation soudaine. Car, malgré le grand écart d’âge qui me séparait de lui, je le considérais comme un ami. 

Depuis ce temps, j’ai appris que, dans ce monde contrôlé par l’argent, l’amitié peut être fugace.

Cependant, le plus important, c’est que cet événement m’a également permis d’éprouver de l’empathie pour ceux et celles qui ont été victimes d’intimidation. 

Combien de fois ai-je entendu des gens d’ici minimiser l’ampleur des 19 années (de 1915 à 1934) de belligérance états-unienne en Haïti, où les paysans ont été dépossédés de près de 30 000 hectares des meilleures terres du pays ? 

Durant cette occupation américaine, plus de 9000 Haïtiens ont été tués, dont 5 475 dans le camp de concentration de Chabert, dans le Nord, et 4000 ont été enfermés dans les prisons du Cap-Haïtien.  

Combien de Canadiens et Canadiennes sont au courant de l’implication des États-Unis dans l’assassinat du leader indépendantiste Patrice Lumumba, en 1961, au Congo ? 

Et que dire des 108 000 tonnes de bombes larguées sur le Cambodge, sous la présidence de Richard Nixon, entre les années 1969 et 1970 ? 

La liste des agressions des États-Unis est longue, mais, malheureusement, nous fermons trop souvent les yeux sur leurs turpitudes. 

Ce n’est que lorsque Trump cherche à exercer une hégémonie sur nous que nous constatons à quel point cet État guerrier est dangereux et imprévisible.

En 1989, quand les États-Unis avaient utilisé comme prétexte la lutte contre la drogue pour envahir le Panama, le Canada affichait un comportement je-m’en-foutiste. Pire encore, Joe Clark, qui était le ministre des Affaires étrangères à l’époque, avait même appuyé l’idée du gouvernement américain.

Or, 36 ans plus tard, ce même gouvernement invoque la lutte contre le trafic de fentanyl pour punir économiquement le Canada. Et de manière antinomique, il rêve que le Canada devienne le 51e État américain.

Quelle histoire !

Permettez-moi l’emploi de cet oxymore : l’Oncle Sam est un ami infréquentable, et il est grand temps que nous réévaluions les liens que nous entretenons avec lui.

Car, un État impérial n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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