À en croire les propos du chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, lors d’un point de presse tenu mercredi, le Québec est à deux doigts de monter une milice pour s’attaquer au « problème » du « wokisme » qui nuirait à l’évolution sociale de la province. Cette milice fonctionnerait comme le maccarthysme qui traquait les soi-disant communistes aux États-Unis, dans les années 1950.
Le 9 février 1950, dans une petite ville de l’État de Virginie, le sénateur américain Joseph McArthy a prononcé un discours dans le but de semer la peur au sein de la population : « le communisme ne cesse de gagner du terrain », a-t-il soutenu.
Fabulation politique
Agitant un papier dans sa main, McArthy a fait croire à ses auditeurs qu’il s’agissait d’une liste de plus de 200 fonctionnaires qui, au Département d’État, étaient liés au parti communiste.
Or, c’était faux et c’est ainsi qu’est né le maccarthysme, soit la « peur rouge », une monstrueuse chasse aux sorcières contre des communistes qui n’existaient pas. Le discours sans fondement du sénateur s’est malheureusement répandu dans toute l’Amérique.
Perçus comme étant des espions communistes, des intellectuels, des journalistes et des cinéastes, comme Charlie Chaplin, ont été victimes de cette chasse aux sorcières.
Or, aujourd’hui, quand j’entends Paul St-Pierre Plamondon parler de lutte contre le wokisme et accuser Québec solidaire d’être un agent de ce mouvement, j’avoue éprouver de l’inquiétude pour ceux et celles qui désirent mettre fin au racisme et à l’injustice.
L’appropriation du terme woke
Poursuivant cette réflexion, il convient de souligner que M. St-Pierre Plamondon est loin d’être un Joe McCarthy, car l’ancien sénateur américain ne possède pas la moitié de son intelligence.
Cependant, étant potentiellement le prochain premier ministre de sa province, le chef du Parti québécois doit comprendre que la lutte qu’il devrait évoquer est plutôt celle contre la pauvreté et l’itinérance.
À mon humble avis, les priorités du chef du PQ devraient être revues.
Je tiens également à préciser que je ne suis pas un partisan de Québec solidaire et que le but de ce texte n’est donc pas de défendre les intérêts du parti de Gabriel Nadeau-Dubois, mais bien de comprendre la montée fulgurante de l’emploi du terme wokisme dans le monde occidental.
Chaque fois que j’entends ce mot sortir de la bouche de quelqu’un, mon cœur saigne. Il est encore plus douloureux de constater que des personnes noires, comme un psittacisme, répètent le terme « wokisme » sans en connaître les racines profondes.
Quelles sont donc les origines de ce terme, qui a été admis dans le Dictionnaire de l’Académie française ?
De Marcus Garvey à Martin Luther King
Dans ses allocutions et discours, le militant Marcus Garvey avait l’habitude de dire « Réveille-toi, Éthiopie ! », « Réveille-toi, Afrique ! ». Et en 1940, des mineurs noirs qui protestaient contre les rémunérations discriminatoires ont déclaré ceci : « Nous dormions. Mais nous resterons éveillés (woke) désormais. »
Au fil du temps, le terme rester « éveillé » (woke) a été utilisé pour rappeler aux Noirs qu’il ne fallait pas dormir face aux injustices raciales.
D’ailleurs, le dernier sermon du dimanche du Dr Martin Luther King, qui a eu lieu quatre jours avant son assassinat, était intitulé « Rester éveillé (woke) à travers une grande révolution » (Remaining Awake Through a Great Revolution)
Or, depuis quelques années, le terme woke est réduit à une charge péjorative, largement utilisé par les politiciens.
En 2021, après avoir traité Gabriel Nadeau-Dubois de woke, le premier ministre François Legault a défini le mot comme « une personne qui veut nous faire sentir coupable et de défendre ses valeurs ».
Mon Dieu, comment sommes-nous tombés si bas ?
Je dis cela parce que, d’un côté, nous célébrons le rêve de Martin Luther King, et nous le condamnons pour ses combats contre les injustices de l’autre.
Quel paradoxe !
La démonisation du mot woke peut être aussi considérée comme une gifle à la mémoire de René Lévesque, du Dr Camille Laurin, de Gérald Godin et de Jacques Couture, des Québécois qui se sont dévoués à des causes nobles.
Franchement, je ne reconnais plus le Parti québécois.
Pour M. St-Pierre Plamondon, tenez-vous bien, le wokisme est « une approche qui est généralisée à Québec solidaire depuis au moins 10 ans, qui consiste à déformer les propos des autres ».
Et qu’en est-il de la déformation du sens d’un précieux terme de tout un peuple, au nom d’une crainte de la radicalisation de la gauche, Monsieur St-Pierre Plamondon ?
L’autre ironie, c’est que le compagnon d’armes du Parti québécois, soit le Bloc québécois, s’est installé à Ottawa pour rester bien éveillé devant les injustices du gros méchant ROC.
Donc, si l’on part de ce principe, il est permis de dénoncer les irrégularités du Canada anglais, mais, dès qu’il s’agit de la défense des droits des minorités visibles et des personnes LGBTQ+, cela devient un problème.
Les dénonciations d’injustices subies par ces groupes sont balayées du revers de la main, comme une poussière abondante susceptible de salir l’image de la Belle Province.
À l’évidence, ce principe ne tient pas la route. En fait, il va dans le sens contraire de la nature du parti politique de René Lévesque.
Certes, le problème de l’immigration est préoccupant, mais, par le biais du dialogue constructif, nous pouvons trouver des pistes de solution.
Autrement dit, on est 9 millions, faut se parler respectueusement, et le plus important, faut se comprendre.
Je vous invite à vous inscrire à l’infolettre et à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site.
1 Commentaire
J’aime vous lire! Bravo pour l’excellent travail.