C’est historique, comme me l’a fait savoir Alexandre Lamontagne, hier, en parlant de la décision de la juge Dominique Poulin, qui a conclu au terme d’une action collective que les policiers du SPVM sont coupables d’avoir commis du profilage racial, et que la Ville de Montréal, qui est responsable de ce phénomène, est tenue de payer les victimes. Lors de nos échanges téléphoniques, Lamontagne, celui qui a intenté cette action collective conjointement avec la Ligue des Noirs, s’est montré réjoui de la victoire, mais est resté calme, sachant bien que d’autres combats attendent les communautés racisées.
Le profilage racial est si présent dans la métropole que même Stevie Wonder pourrait le voir et s’en inspirer pour écrire une chanson à succès.
La ténacité d’Alexandre Lamontagne et de la Ligue des Noirs
Le 14 août 2017, Alexandre Lamontagne, un Noir d’origine haïtienne, a été interpellé sans raison valable par deux policiers du Service de police de la Ville de Montréal alors qu’il sortait paisiblement du club La Voûte.
Dans son témoignage, Lamontagne a raconté que les policiers lui ont demandé pourquoi il les regardait avant de se ruer vers lui et de le jeter au sol. Durant cette interpellation musclée, la victime de ce racisme systémique s’est durement cogné la tête.
Ce n’est pas tout : à l’instar du célèbre cas Gorge Floyd, l’un des policiers avait mis le genou sur la nuque d’Alexandre Lamontagne. Il a dû passer la nuit en cellule et a eu des blessures qui ont nécessité des soins médicaux.
Les policiers ont fait tout cela parce qu’Alexandre Lamontagne est un homme noir, point barre.
De ce fait, une indemnisation de 5000 $ lui sera accordée pour le traitement humiliant et traumatisant qu’il a subi aux mains des policiers de la Ville de Montréal.
D’autres personnes des communautés racisées, dont les personnes noires, arabes, autochtones et latino-américaines, qui ont été victimes de profilage racial entre août 2017 et janvier 2019, recevront des dédommagements variant entre 2500 $ et 5000 $.
Je dis un grand, grand bravo à Alexandre Lamontagne et à la Ligue des Noirs, qui n’ont pas hésité à mener un long combat contre un système bien établi selon lequel la majorité des personnes noires ou arabes sont liées à des activités criminelles.
Je salue également le courage de la juge Dominique Poulin, qui a su mettre la Ville de Montréal et le SPVM dans le même panier systémique, n’ayant pas cru aux mensonges et excuses bidon des policiers dans ce procès.
Les fausses excuses des policiers
Ah, ces mensonges policiers !
En effet, quiconque a fait l’objet de profilage racial dans sa vie vous dira qu’il est rare que celui-ci ne soit pas accompagné d’un mensonge ou deux. La réalité est que les policiers de Montréal ont à leur disposition un réservoir d’excuses pour commettre leurs injustices.
Que dire de l’affaire Mamadi Camara, un ingénieur d’origine guinéenne, qui a été injustement arrêté par les policiers du SPVM, avant de passer six nuits sous les verrous, en janvier 2021 ?
Ou celle de François Ducas, cet enseignant d’origine haïtienne, qui était constamment harcelé par les agents du Service de police de la Ville de Repentigny ?
Quand ce n’est pas leur fabulation au sujet d’un prétendu suspect qui porte le même vêtement que la personne interpellée, c’est le mensonge sur l’excès de vitesse ou le non-port de la ceinture de sécurité que certains policiers utilisent systématiquement pour fabriquer leur « vérité ».
Cet oxymore est très courant au sein du SPVM.
Par exemple, quelques mois après l’événement impliquant les forces de l’ordre et Alexandre Lamontagne, un cousin de ce dernier s’est fait passer les menottes pendant quelques minutes dans un métro, car selon les policiers, il correspondait à la description d’un homme noir qui aurait été armé et qui se serait trouvé sur les lieux.
Parfois, dans leurs dérives de profilage racial, les policiers utilisent simplement la tactique de la provocation.
La présence du profilage racial dans la métropole n’est pas un mythe
Il y a quelques semaines, un ami, qui se promenait sur le boulevard Saint-Laurent à la sortie des bars, est tombé sur une policière qui lui a demandé avec hardiesse s’il voulait se battre.
« Pardon ? »
« Oui, toi ! Tu veux te battre ? », a relancé la policière, qui avait sans doute soif d’un n*gre pour terminer la soirée en « beauté ».
J’insiste sur le mot en « N », car selon des sources policières, c’est cette appellation dénigrante que plusieurs agents du SPVM emploient pour décrire une personne noire.
Stupéfait par le comportement désinvolte de la policière provocatrice et belligérante, mon ami Jay, un Haïtiano-Québécois sans histoires, qui travaille dans le monde de l’informatique, m’a réveillé dans mon sommeil pour, une fois de plus, aborder la dialectique du racisme systémique et du profilage racial.
En fait, ce sujet est redondant et harassant, mais nous devons toujours en discuter quand l’occasion se présente.
Car, voyez-vous, le racisme systémique et le profilage racial sont profondément ancrés dans les structures sociales, économiques et politiques de la Belle Province.
D’ailleurs, dans sa décision d’une centaine de pages, la magistrate a écrit que « le phénomène de profilage racial se manifeste au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) depuis nombre d’années. »
La majorité des Noirs et Arabes vivant à Montréal le savaient. Alexandre Lamontagne le savait. Mon ami Jay le savait également, et maintenant la juge Dominique Poulin le sait.
Et vous, chers amis blancs et chères amies blanches, le saviez-vous ?
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2 Commentaires
Bonjour Walter. Belle mise en relief du contexte global. Félicitations à M. Lamontagne et à la Ligue des Noirs. Jugement spectaculaire du juge Poulin. Je suis un peu surpris du peu de marge entre les diverses compensations. En bref, une personne comme M. Lamontagne devait en recevoir plus et d’autres moins.
Cela fait histoire, mais hélas cause peu de vagues dans les médias. En particulier, silence radio de la part des grandes gueules du JdeM qui avaient pourtant si souvent affirmé que les histoires de profilage étaient des exagérations, voir de la fabulation.
Chaque fois que la Ligue des Noirs est mentionée, je pense à Normand Brathwaite. Il a été souvent très méprisant envers eux. Il a aussi souvent contesté l’existence de racisme systémique parce que lui n’en subissait pas. N’est-ce pas un bel exemple de narcissisme?
Bravo encore une fois à toutes les personnes responsables de ce beau dénouement,
Bonjour Luc ! En effet, il est étonnant que Lamontagne recevra presque le même montant que les autres. À mon avis, je ne crois pas que la Ville ira en appel, mais selon des sources, elle essaie d’éviter que d’autres la poursuivent. En ce qui concerne la Ligue des Noirs, il n’y a pas que les médias qui les boude. À mon grand étonnement, elle n’est pas trop appréciée dans la communauté noire, et pourtant… Je crois connaître les raisons, mais ça, c’est conversation-là est pour une autre fois.
À bientôt, camarade.