C’est l’un des moments les plus douloureux qui soient dans l’histoire d’Haïti. L’assassinat de Jovenel Moïse. Que l’on soit un partisan ou non, on a ressenti l’impact des 12 projectiles qui ont atteint le Président. Que l’on soit un Haïtien de la diaspora ou non, son sang dessalinien qui a coulé sur le sol de sa demeure est le même qui bat dans nos veines, dans nos cœurs.
Le 7 juillet 2021, chers compatriotes, notre Haïti Chérie a été prise d’assaut par des voyous que l’on appelle mercenaires « professionnels ». Lors de cette attaque qui a été perpétrée nuitamment, notre patrie a été humiliée, insultée, ridiculisée et intimidée.
D’après les autorités haïtiennes, les 28 membres de ce commando armé se sont travestis en agents de DEA (Brigade des stupéfiants) pour leurrer le dispositif de sécurité du Premier citoyen du pays afin d’entrer dans sa résidence et le cribler, lui et sa femme, de balles.
Une honte nationale
Pendant ce temps, pour l’élite haïtienne, qui ne représente que 3 % de la population, mais qui gère 80 % de l’économie nationale, le « business as usual » continue de régner. Elle agit comme si de rien n’était.
Aux dernières nouvelles, 17 de ces assaillants, dont 15 Colombiens et deux Américains d’origine haïtienne, ont été arrêtés. Et la police haïtienne a confirmé que trois Colombiens avaient été tués et huit autres sont en fuite.
Que penser de ce complot visant à déstabiliser encore plus cette nation dont les liens de fraternité sont délités par des tensions politiques et sociales ?
Que la terre de Dessalines s’engouffre dans un engrenage d’insécurité et de violence ?
Comme l’a dit le poète John Donne, « la mort de tout homme me diminue parce que je suis du genre humain ». Cependant, dans le contexte actuel marqué par la hardiesse de ce commando qui a porté atteinte à l’intégrité territoriale de mon pays d’origine, l’assassinat de Jovenel Moïse me révolte.
Cette réflexion nous conduit à un sujet très important qui est celui du patriotisme et du nationalisme du peuple haïtien.
En effet, on ne peut analyser le meurtre de Jovenel Moïse et la problématique haïtienne, socio-économiquement et politiquement, sans aborder la question identitaire.
C’était rassurant d’apprendre qu’au lendemain de l’acte odieux et lâche perpétré contre M. Moïse, les Haïtiens se sont naturellement unis dans un grand élan patriotique pour aider la police à retrouver les suspects, et ce, malgré l’impopularité du Président.
Pendant ce temps, pour l’élite haïtienne, qui ne représente que 3 % de la population, mais qui gère 80 % de l’économie nationale, le « business as usual » continue de régner. Elle agit comme si de rien n’était.
La discrimination, le mépris et la haine
Qui sont ces gens qui se sont enfermés dans leur nombrilisme et qui se détachent constamment des préoccupations de la population ?
Je parle de ces Libanais, de ces Syriens, de ces Palestiniens et de tous ceux venus d’ailleurs, qui se sont enrichis sur le dos d’Haïti et de ses habitants.
Je parle de ces bourgeois bienheureux, qui, du haut de leur trône pétionvillois, méprisent le monde d’en bas et qui déconsidèrent ceux qui ont la peau noire.
Certes, le « rêve haïtien » est accessible à tous : par exemple, après 1804, quelques esclaves qui ont fui le cauchemar des plantations des États-Unis et des Antilles ont mis le cap sur Haïti afin de pouvoir dormir sur leurs deux oreilles et bénéficier équitablement des biens acquis après l’indépendance.
Malheureusement, dans le cas des gens venus du Moyen-Orient (Arab bwèt nan do : quolibet d’autrefois), présents en Haïti depuis plus d’un siècle, le mutualisme n’a jamais pu s’épanouir comme il se doit.
Ils ont exploité et continuent d’exploiter à qui mieux mieux une Haïti déjà appauvrie par l’impérialisme américain et le colonialisme français. Ils prennent, prennent et prennent, mais ne donnent rien en retour.
À combien de constructions d’hôpitaux, d’écoles publiques et de routes nationales ont-ils contribué ?
Qu’ont-ils fait pour prouver leur amour à leur patrie et assurer son essor ? Rien.
Plusieurs d’entre eux amassent mensuellement des millions de dollars grâce à la surfacturation de contrats gouvernementaux : que ce soit dans le domaine de la construction ou de l’énergie électrique, la corruption règne en maître, et ces bourgeois au caractère vampirique se frottent joyeusement les mains.
Je ne suis pas Sherlock Holmes, mais je ne chercherais pas midi à quatorze heures pour trouver les principaux commanditaires de l’assassinat du Président Jovenel Moïse.
Si le vieil adage «L’union fait la force » était la clé du succès de nos ancêtres, depuis l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, père de la nation, en 1806, ces mots ont perdu de leur valeur.
Bon, il importe de souligner que le défunt président n’était pas un saint, et qu’il a été une marionnette qui a commis de graves erreurs, néanmoins, il a su dénoncer cette oligarchie qui se réjouit de la misère du peuple haïtien.
Un changement s’impose
Une oligarchie puissante et machiavélique, composée de personnes blanches et métisses, qui n’accepte pas que la lutte des classes soit présente dans le programme politique d’un chef d’État ayant la peau noire.
En d’autres termes, certains des discours et déclarations de M. Moïse dérangeaient les bourgeois, ces grands resquilleurs qui se servent d’Haïti comme guichet automatique bancaire, auquel eux seuls ont accès.
Le parcours de Jovenel Moïse me rappelle étrangement celui de Faustin Soulouque, qui a été élu président de la République d’Haïti en 1847. Jouant habilement son rôle de marionnette de la calsse bourgeoise et politique au début de son mandat, Soulouque ne prit pas de temps pour inverser la situation, au grand mécontentement des Métis.
Oui, chers compatriotes, Haïti est bel et bien divisée par le problème du « mulâtrisme ».
Si le vieil adage «L’union fait la force » était la clé du succès de nos ancêtres, depuis l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines, père de la nation, en 1806, ces mots ont perdu de leur valeur.
Nous devons remédier à cette situation, car il n’est pas normal que Jean-Claude Duvalier, grand acteur de la dynastie duvaliérienne, qui, de 1957 à 1986, a assassiné des dizaines de milliers d’Haïtiens, ait pu rentrer au bercail en toute quiétude, mais qu’après seulement quatre ans de présidence, Jovenel Moïse est assassiné.
Cette incohérence est une preuve de lâcheté ou d’amnésie collective.
Il n’est pas normal qu’un Blanc pauvre d’un pays étranger puisse débarquer à Port-au-Prince avec un billet de 20 dollars et devenir millionnaire l’année suivante, alors que les Noirs, qui constituent 90% de la population, veulent quitter le pays pour fuir la pauvreté.
Privilège blanc et métis, dites-vous ?
Il n’est pas non plus normal que l’apartheid de la République d’Haïti soit étouffé.
Bref, nous devons discuter de tout cela pour mieux comprendre qu’avec les bourgeois, Ayiti est dans une posture suicidaire.
Car, voyez-vous, de terre libératrice à terre accueillante, notre Haïti Chérie se retrouve aujourd’hui face à une élite qui veut la tuer.
Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.
14 Commentaires
Toujours des analyses et commentaires très savoureux. Merci encore pour ton excellent travail qui non seulement nous informe, mais apporte beaucoup de lumière à notre aveuglement, naïveté.
Je tiens à ajouter que ce réveil urgent et indispensable dont Haïti et ses enfants ont soif n’a pas besoin d’être teinté de vengeance et de révolte. Il suffit de reconnaître qui nous sommes, qu’est-ce qu’on veut puis SAVOIR DIRE NON À L’ÉLITE TORTIONNAIRE lorsqu’il nous offre un PAIN pour exécuter NOTRE FRÈRE qui souffre comme nous autres. Haïti n’a rien perdu de ce qu’il était; c’est l’haïtien qu’il se déshonore chaque jour par ses gestes, attitudes et illusions. Il suffit de lire les commentaires disgracieux l’un envers l’autre pour se rendre compte qui est ce peuple la.
Un jour j’avais rencontré un ancien collège que je n’avais pas vu depuis plus de 10 ans et étonnamment en me voyant au volant d’une BMW, il m’a accueilli avec la rituelle attitude de l’haïtien « NÈG AP MENNIN ». Dignement je lui ai répondu en présence de sa conjointe que si je savais que j’allais vous rencontrer je serai venu à pied ou en autobus. Depuis ce jour il ne cesse de rapporter que je lui ai fait honte. Au contraire il devrait remercier le ciel de lui avoir permis de vivre un réveil qui lui servira pour le reste de ses jours.
Merci encore Walter et bonne continuité.
Walter, ton analyse dépeint parfaitement cette réalité qui prévaut dans ce pays depuis trop longtemps, hélas. Ma conclusion te paraîtra peut-être simpliste mais elle traduit ma profonde conviction: une autre révolution s’impose! Une version adaptée de Vertières demeure, à mon avis, la seule solution, malheureusement! Et je crains qu’elle ne soit plus proche que l’on pense.
Une révolution profonde doit se faire. Il y a une réelle apartheid en Haïti et comme elle est soutenue par la C I, alors rien ne se passe. On accepte,on se contente et on dit souvent Dieu veut. À un moment donné, il faut arrêter de banaliser la situation, il faut s’unir, avoir une vision claire qui intègre le 90% de la population et cette classe de Bourgeois qui ne veut pas ameliorer les choses,doit être envoyer en exil pour toujours. Il faut que l’émotion cesse. J’ai eu mal car peu importe ce qu’on lui reprochait, c’est un président et un president noir. Nous sommes en 2021 et l’histoire se répète sans cesse malheureusement
On avait pas visé la bonne cible alors ? Les médias sociaux visaient Jovenel comme le principal coupable pendant que les riches commerçants du pays mettent toujours le feu au pays en catimini ? Plusieurs de ces groupes ont conspiré contre Jovenel directement ou indirectement. S’il voulait donner l’exemple, il fallait commencer par mettre les menottes à Martely.
MMD, je comprends votre point. Il est vrai que Jovenel n’a pas été trop populaire, mais la façon dont son assassinat a été perpétré a révolté le peuple. Jovenel est devenu un martyr.
Merci pour ce votre commentaire, camarade. À bientôt.
En effet, Alex, une révolutio est peut-être la solution. Et pwut-être que la version adaptée de Vertières signifie une révolution sociale et intellectuelle. La majorité a assez souffert, camarade. Et c’est gênant que cela se passe sous nos yeux.
Merci pour votre participation à la conversation, Alex. À bientôt.
Tout à fait, Neelo, il faut savoir dit non à cette élite tortionnaire. Cependant, nous devons procéder à la décolonisation mentale. Nous ne cesserons pas d’être les marionnettes de ces gens-là si nous nous libérons pas de notre esprit esclavagiste. Haïti est toujours Haïti berceau de la liberté, toutefois, ses enfants doivent se libérer mentalement.
Merci pour cette belle réflexion, frère.
Merci M. Walter pour votre constance.
Voici mes points.
La question: Se considèrent-ils haïtiens? Quels sont les valeurs communes? Si pas de vision commune, deux mondes parallèles continueront à co-exister….car nous serons toujours là…
Retour à l’esclavage? L’esclavage était avant tout une industrie qui a fait prospérer des royaumes européens certes mais aussi des familles d’affaires. Les mêmes acteurs sont en place (pas des royaumes mais des oligarchies). Just saying…
Je ne pense pas que ces gens se considèrent faisant parti des deux groupes fondateurs de la Nation. Ils sont ailleurs, loin dans la stratosphère économique. Nous sommes frères et soeurs. Je ne voudrais pas retomber dans un fratricide. Ayiti pa bezwen sa.
Carmel-Antoine, ces gens-là se disent Haïtiens, mais ils ne se comportent pas en tant que tels. Un Haïtien doit avoir un amour propre pour la terre de Dessalines. Or, ils méprisent et discriminent les fils de Dessalines. Et cela a assez duré. Ils représentent le réel problème d’haïti.
Une révolution profonde doit se faire. Il y a une réelle apartheid en Haïti et comme elle est soutenue par la C I, alors rien ne se passe. On accepte,on se contente et on dit souvent Dieu veut. À un moment donné, il faut arrêter de banaliser la situation, il faut s’unir, avoir une vision claire qui intègre le 90% de la population et cette classe de Bourgeois qui ne veut pas ameliorer les choses,doit être envoyer en exil pour toujours. Il faut que l’émotion cesse. J’ai eu mal car peu importe ce qu’on lui reprochait, c’est un président et un president noir. Nous sommes en 2021 et l’histoire se répète sans cesse malheureusement
« J’ai eu mal car peu importe ce qu’on lui reprochait, c’est un président et un president noir ». J’ai bien aimé ce passage de votre commentaire, Corine. J’ajouterais même que si Jovenel Moïse était métis, il n’aurait pas eu autant de problèmes, c’est-à-dire qu’on aurait fermé les yeux sur certaines choses. Et, oui, une révolution est impérative.
Merci de votre participation au débat, Corine. À bentôt.
Bonjour Walter. Je comprends la douleur que le peuple haïtien ressent. C’est une crime abominable et même si l’enquête devrait en principe être assez facile, vu le grand nombre d’arrestations, il n’est pas évident que les vrais coupables soient dévoilés.
Toutefois, certains passages de ton texte me laissent perplexes. Il est toujours précaire de désigner des coupables sans preuve à l’appui. Si des preuves existent, elles ne sont pas mentionnées dans ta chronique.
Les trois personnes, apparemment nuisibles au pays, que tu mentionnes ne sont pas de descendance africaine, mais s’ils l’étaient seraient-ils plus acceptables à tes yeux?
Certains commentaires appellent à l’épuration ethnique. Un concept qui m’a toujours profondément répugné.
La corruption, voilà le mot clé de ton texte. La corruption est un des maux les plus graves que puisse souffrir un pays. Il est très difficile de s’en débarrasser. Un révolution peut en venir à bout, mais il est arrivé souvent dans l’histoire que le remède était pire que la maladie. Il faut être bien prudent.
Ils doivent être bien rares les étrangers blancs débarqués avec $20 et devenus millionnaires un an plus tard. Mais plus largement, des immigrants qui arrivent dans un pays avec presque rien et font fortune ca ce voit partout dans le monde libre. Et ce n’est pas surprenant si les immigrants deviennent riches plus fréquemment que les autochtones. Car, le seul fait de tout quitter pour s’établir ailleurs indique souvent une volonté d’améliorer son sort hors du commun.
Finalement, j’ai souvent remarqué des Québécois de souche dont l’intolérance aux étrangers était exacerbée si ces derniers étaient plus prospères qu’eux.
Aussi, combien de fois ai-je entendu des Québécois d’une minorité quelconque être offusqués de se faire dire de retourner dans leur pays, car ils sont différents des Québécois de souche. Ils ont évidemment 100% raison d’être offusqués.
Bonjour Luc ! Je copmprends ta perplexité, car, comme tu le mentionnes dans ton autre commentaire, tu ne connais pas trop Haïti. Tout d’abord, je n’ai pas accusé une personne en particulier. Parlons brièvement de ces Libanais, Syriens et autres, qui sont arrivés em Haïti à la fin des années 1800. Ils n’ont pas eu la vie facile avec les Européens (Allemands, Français) et les mulâtres d’Haïti, et c’était la population noire qui leur a tendu la main. Et c’est exactement grâce aux Noirs qu’ils se sont enrichis lorsque François Duvalier leur a permis de s’épanouir, au grand mécontentement des mulâtres et des Haïtiens d’origine européenne.
Cependant, les Arabes d’Haïti n’ont jamais considéré les Noirs. Ils ont même établi un apartheid dans le pays, suivant les traces des mulâtres. Or, aujourd’hui, quand le peuple haïtien parle de mulâtre, les Arabes sont inclus, car ils se sont unis entre eux pour prôner le racisme envers les perosnnes noires. Un racisme très condescendant, sachant bien que les Haïtiens souffrent des séquelles de l’esclavage.
Question, mon cher Luc : serait-il possible que des Haïtiens noirs aillent au Liban ou en Syrie et s’enrichir et créer un apartheid dans ces pays ? Bien sûr que non.
Pour être honnête avec toi, ils ont une haine envers le peuple noir.
Bonjour Walter. Je connais vraiment très peu Haiti. A cause de cela, j’aurais probablement du réduire mon commentaire à deux souhaits.
Que tous les coupables de cet horrible crime soient punis en conséquence et que tous les autres soient laissés tranquilles.