L’affaire Imane Khelif. Depuis la controverse entourant la disqualification de Ben Johnson aux Jeux olympiques de Séoul, en 1988, je n’ai jamais vu une histoire susciter autant de polémique et de débats. Or, si le sprinter canadien avait été déclaré positif pour usage de stéroïdes, la boxeuse Imane Khelif est crucifiée sur la place publique en raison du fait que Dieu l’a créée avec un haut taux de testostérone.
Entendons-nous bien : Imane Khelif est bel et bien femme. Contrairement à ce qui est dit par certaines personnes, elle n’est pas trans.
Elle est née fille.
Après l’abandon de son adversaire italienne à son premier combat aux Jeux de Paris, Imane Khelif a été l’objet de propos transphobes sur les réseaux sociaux, tels que : « Ce transgenre doit être banni de la boxe féminine ».
De tels propos ont été tenus par méchanceté, avec la ferme intention d’avilir la boxeuse algérienne, de la chosifier dans le but ultime de la chasser de la compétition.
Par exemple, sur YouTube, dans une vidéo (avec plus d’un million de vues) traitant de ce débat explosif, le narrateur commence l’histoire ainsi : « Biological male defeats female boxer in just 46 seconds at the Paris Olympics, punching her in the head ».
Pour vous traduire cette médisance, « Un homme biologique bat une boxeuse en seulement 46 secondes, aux Jeux olympiques de Paris, la frappant à la tête ».
Quelle indigence intellectuelle, qui nous rappelle que plusieurs d’entre nous affichent malheureusement un comportement moyenâgeux !
Pire encore, deux jours avant le premier combat d’Imane Khelif, Matteo Salvini, un ministre italien, a écrit ceci sur les réseaux sociaux : « La boxeuse trans algérienne – interdite des championnats du monde de boxe – peut participer aux JO et affrontera notre Angela Carini », faisant référence à l’adversaire de l’Algérienne.
À l’évidence, comme tant d’autres, cet homme politique de la Botte se contrefiche des faits, de la vérité. Ces partisans d’extrême droite cherchent par tous les moyens de mettre de l’huile dans le débat enflammé concernant la diversité sexuelle et la pluralité des genres.
Pourtant, Imane Khelif n’aurait jamais dû être liée à la polémique entourant l’identité de genre. Au risque de me répéter, quand Mme Khelif est sortie du ventre de sa mère, elle a montré tous les éléments qui constituent son identité sexuelle.
Il convient toutefois de préciser que la boxeuse hyperandrogène, ayant des taux d’hormones masculines élevées, n’en est pas à ses premiers ennuis relatifs à son identité sexuelle.
En mars 2023, elle avait été disqualifiée des Mondiaux à New Delhi, en Inde, un peu avant son combat pour la médaille d’or. Des tests effectués par la International Boxing Association (IBA) auraient décelé des chromosomes XY chez Khelif.
Notons que les personnes de sexe masculin possèdent un chromosome X et un chromosome Y, alors que, généralement, les femmes naissent avec une paire de chromosomes XX.
Or, il existe que de rares femmes possèdent des chromosomes XY, et Imane Khelif fait partie de ce groupe très restreint.
Des voix se sont élevées pour dire que Khelif représente un danger pour ses adversaires, alors que le réel danger réside dans la boxe elle-même, un sport barbare. Selon une étude du Clinics in Sports Medicine, il y a eu plus de 659 morts émanant de combats de boxe dans le monde entre 1918 et 1997.
Quand Mike Tyson terrassait ses adversaires avec des coups de poing foudroyants durant les années 1980 et 1990, on jubilait et on le glorifiait.
Personne n’a évoqué le fait que l’ancien champion du monde des poids lourds possédait un crochet du droit herculéen, et que le WBC et l’IBF devraient interdire qu’un boxeur issu de la mythologie grecque d’affronter les humains.
Mais lorsqu’il s’agit d’une femme qui est dotée de cette force phénoménale, dans un sport qui était uniquement réservé aux hommes il n’y a pas si longtemps, nous ouvrons des débats en utilisant des sophismes qui reposent le plus souvent sur des croyances religieuses.
Ce qui est déplorable dans cette histoire, c’est qu’on ne mentionne presque pas que 9 boxeuses ont battu l’Algérienne dans le passé.
Inutile de chercher plus loin que l’affaire Imane Khelif une belle manifestation de notre hypocrisie et de notre sournoiserie.
Voici un autre fait paradoxal : on aimerait que nos enfants aient un quotient intellectuel supérieur à la normale, mais on s’indigne du haut taux de testostérone d’une athlète.
Et si Imane Khelif était notre fille ?
Ah, là, les choses changent.
Voyez-vous, en se mettant à la place des parents de la boxeuse, on comprend un peu mieux leurs douleurs, leurs sentiments et leurs émotions au sujet de la manière dont leur fille est traitée depuis quelques années dans le monde de la boxe.
D’après le psychiatre et psychanalyste britannique Charles Frederick Rycroft, ceux qui font preuve d’empathie projettent leur personnalité dans l’objet de contemplation et se mettent dans la peau de l’autre, tout en restant conscients de leur propre identité.
Une réelle empathie exige qu’on oublie ses propres principes, ses propres valeurs, ses croyances et tout ce qui peut nuire à la compréhension de l’autre.
Bref, l’empathie est une condition sine qua non pour ce qu’on appelle le « Bien vivre ensemble ».
Et une chose est certaine : Imane Khelif ne vous ressemble peut-être pas, mais sachez qu’elle aurait pu être votre fille.
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2 Commentaires
Bonjour Walter. Que ce soit ma fille ne changerait rien, si les règles sont clairement établies. Mais, elles ne le sont apparemment pas. Les autorités sportives sont alors les premières responsables. Pauvres filles, elles ne sont nullement responsables, mais sont méchamment diffamées.
Il est choquant (là je suis entièrement d’accord avec toi) est la triste récupération débile que bien des gens mouillant à droite en ont fait, tout heureux qu’ils sont de blamer les « wokes ». Évidemment, les démagogues du JdeM sont entrés dans la danse.
D’autre part, Facal vomit sur l’équipe de soccer féminine, aveuglé qu’il est par sa haine du Canada anglais. A ses yeux, ce que les joueuses ont accompli n’a aucune valeur. Quel triste individu. J’espère que les Canadiennes auront une bonne partie aujourd’hui contre l’Allemagne.
Re-salut. Il est vrai que bannir au dernier moment ces boxeuses aurait été très injuste. Une large compensation financière, genre un million de $, aurait pu leur être versée.