J’embarque dans le train. Pas dans le train du Canadien National ou de Via Rail, mais bien dans celui du mouvement de solidarité envers la nation de Wet’suwet’en, qui s’oppose à la construction du gazoduc Coastal GasLink dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.
Avant de poursuivre l’analyse de cette situation explosive, je dois avouer la compassion que je ressens pour ceux et celles qui sont durement touchés par les blocages des lignes ferroviaires.
Dans le port de Vancouver, des dizaines de navires risquent de changer de cap et de se diriger vers les États-Unis en raison des problèmes liés à cet événement. Via Rail a envoyé des avis de mise à pied à près de 1000 employés en raison de l’annulation des services sur une bonne partie de son réseau.
Le colonialisme canadien
Et, à Montréal, plus de 5000 usagers quotidiens de la ligne exo 3 qui relie Mont-Saint-Hilaire au centre-ville de Montréal sont privés de leur moyen de transport habituel.
« La vie est parfois difficile », se lamenteront plusieurs des personnes qui ont dû modifier le cours de leur vie en raison des blocages ferroviaires. Cependant, il importe à celles-ci de savoir que cela a toujours été le cas pour les Autochtones, qui ont été victimes du plus grand vol à main armée de l’histoire du Canada, où la terre a été servie comme butin.
Non seulement ont-ils été dépossédés de leur terre, mais jusqu’en 1951, il leur était interdit d’embaucher des avocats pour protéger leurs droits.
Or, ayant perdu approximativement 98% de leur territoire, les Premières Nations ont été refoulées dans des réserves isolées. De la fin des années 1950 jusqu’au début des années 1980, plus de 20 000 enfants autochtones ont été volés à leurs familles pour combler les vides des familles blanches.
Quelle horreur!
D’ailleurs, parmi les effets de cette colonisation, il y a eu certes la perte d’identité : les enfants ont été envoyés à des écoles résidentielles, où ils ont été forcés de se convertir au christianisme.
C’est drôle, en écrivant ces lignes, j’ai une forte sensation de déjà-vu.
En effet, j’ai l’impression de faire un survol de l’histoire de mon pays d’origine. Bon, je ne peux pas prétendre connaître à fond l’histoire des Autochtones autant que la mienne, mais il existe des similitudes notables entre les deux, d’où mon soutien sans réserve à la population des Premières Nations.
Et j’encourage les gens à effacer l’image folklorique des Autochtones de leur pensée afin de mieux saisir ce ras-le-bol généralisé dans les communautés des Premières Nations.
Une histoire qui, hélas, se répète
Qu’en est-il donc de ce projet de gazoduc au coût de 6,6 milliards de dollars?
À ce sujet, on dira que l’histoire se répète : à l’été 1990, des promoteurs opportunistes voulant agrandir un terrain de golf à Oka, au Québec, pour que des Blancs bienheureux s’adonnent à leur passe-temps favori, soulèvent la colère des Mohawks.
Or, aujourd’hui, c’est au tour des Wet’suwet’ens de la Colombie-Britannique de protester contre la construction d’un oléoduc sur leur territoire. Contrairement à la crise d’Oka où les Mohawks ont été laissés pour compte, « l’Unist’ot’en » est rassembleuse, car elle a donné naissance à une alliance entre les Autochtones et les écologistes.
Que fait Justin Trudeau pour remédier à la situation?
Encore des mots, toujours des mots, rien que des mots. Notre cher premier ministre parle de réconciliation et dit des belles paroles qui peuvent sonner faux pour ceux et celles qui sont habitués aux promesses des politiciens.
À vrai dire, les blocus de chemins de fer ont toujours existé dans le pays de la feuille d’érable. Le Canada a toujours agi comme si les Autochtones n’existaient pas, empiétant constamment sur leurs territoires.
Que ce soit en Ontario ou en Colombie-Britannique, les 19e et 20e siècle ont été marqués par des abus coloniaux perpétrés envers les Premières Nations, suscitant de vives protestations.
On peut affirmer sans ambages que les Premières Nations ont résisté courageusement aux multiples stratégies assimilationnistes du gouvernement canadien.
Enfin, pour comprendre ce qui se passe à Saint-Lambert, en Colombie-Britannique et ailleurs dans le pays, il faut fouiller dans l’histoire des Premières Nations.
Et vous serez étonnés de constater que cette histoire est également celle du Canada, car il n’y a pas d’opprimé sans oppresseur.
Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.
3 Commentaires
Justin Trudeau a le dos large! Qu’il agisse ou non, il y aura des gens pour le critiquer. Apparemment, la décision de briser les blocus de voies ferrées revient aux gouvernements provinciaux. Pourtant, plusieurs critiquent Trudeau de ne pas le faire.
Perso, malgré toute ma sympathie pour les autochtones ou les écologistes, les fermetures de voies ferrées n’auraient pas durer plus de 24 heures. Ce n’est pas une façon de réparer l’histoire ou de promouvoir la cause écologique.
Ceci dit, en 1990, j’appuyais fermement les Mohaks de Kanesatake. Je n’étais pas vraiment d’accord avec ceux de Kahnawake, mais je leur ai trouvé beaucoup de « guts », comme diraient les Chinois.
Pour revenir au gazoduc, il semble qu’un certains nombre de « nations » autochtones voisines ont accepté la construction du gazoduc. Peut-être que les Wet’suwet’en veulent simplement une compensation plus importante que celle proposée.
Dans la veine des relations inter raciales, il y a un article intéressant dans La Presse du 25 février intitulé « États-Unis : les policiers blancs utilisent plus leur arme que les noirs »
La phrase clé de cet article est la suivante.
S’ils font usage de leur arme de manière comparable « dans les quartiers blancs et mixtes, les agents blancs sont cinq fois plus susceptibles d’utiliser leur arme dans des quartiers à majorité noire »
A mon avis, il y a trois raisons pour ça. La première est la peur. La deuxième, plus controversée, serait le niveau d’empathie moindre des policiers blancs envers les Noirs que l’inverse. La dernière, mais peut-être la plus importante, est l’extrême clémence des tribunaux pour les policiers blancs ayant tiré sur des Noirs.
La phrase que j’ai reproduite manque de clarté puisqu’elle est sortie du contexte. Je la reprends.
Les policiers blancs et noirs utilisent leur arme avec la même fréquence s’ils patrouillent dans des quartiers blancs. Par contre, s’ils patrouillent dans des quartiers noirs, les policiers blancs utilisent leurs armes cinq fois plus souvent que les policiers noirs.