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P. Diddy, les millionnaires et la culture du viol


En 1995, à Toronto, lors d’une soirée organisée par le « Bad Boy Records » dans le cadre des festivités du Caribana, un homme de taille moyenne, portant des lunettes de soleil, s’est empressé de souhaiter la bienvenue à mon ami et moi en nous serrant la main. C’était Puff Daddy. Bien que j’aie été enchanté par son accueil chaleureux, je ne pouvais m’empêcher de croire que derrière ses légendaires lunettes fumées se cachaient des yeux qui ne voulaient pas dévoiler des secrets. Des secrets sombres de son empire.

À moins que vous soyez plongés dans un sommeil profond ou que vous ayez pris la décision de boycotter les réseaux sociaux récemment, vous êtes sans doute au courant des lourdes allégations qui pèsent contre Sean Combs, alias Puff Daddy et P. Diddy, depuis quelques semaines.

D’après ce qui a été rapporté dans le New York Times, Sean Combs fait l’objet d’une plainte au civil l’accusant d’un viol collectif sur une mineure de 17 ans en 2003.

P. Diddy et la chanteuse Cassie

Il s’agit de la quatrième plainte d’agressions sexuelles en trois semaines pour ce grand nom du hip-hop. C’est sérieux. Et c’est important qu’on en parle, sachant que le viol demeure un sujet tabou dans les communautés noires, et que les victimes de ce phénomène souffrent en silence.

Sans vouloir revenir sur la terrifiante affaire R. Kelly, qui a écopé d’une vingtaine d’années de prison pour des crimes sexuels sur des mineures, disons que certains hommes riches et célèbres pensent que leur statut social est synonyme d’invincibilité, d’absolutisme et d’avilissement humain.

Personne n’a le droit de leur dire non. Surtout pas une femme, encore moins une fille mineure.

En fait, plusieurs de ces multimillionnaires ne se gênent pas pour exhiber leurs richesses et exercer leur pouvoir et leur influence à des fins perverses.

C’est ainsi que l’ex-producteur vedette d’Hollywood Harvey Weinstein a été condamné à 23 ans et 16 ans de prison pour différentes affaires de viol et d’agressions sexuelles.

Le producteur de cinéma Harvey Weinstein

Et que dire du financier Jeffrey Epstein, qui a préféré se suicider dans une prison fédérale de New York plutôt que de subir son procès ?

Ou encore du milliardaire montréalais Robert Miller, que plusieurs femmes associent à un réseau d’exploitation sexuelle – Réseau Miller – qui recrutait des jeunes filles mineures au profit de l’homme d’affaires ?

Enfin, il est incontestable que le syndrome d’hubris habite un bon nombre de ces hommes, qui utilisent leur fortune pour « marchander » et objetiser de jeunes filles, l’une à la suite de l’autre, à la queue leu leu.

Par souci d’éthique, il convient de mentionner que dans le cas de P. Diddy et de Robert Miller, il ne s’agit pour le moment que de plaintes, mais quand plus de quatre femmes brisent le silence pour raconter leur douleur à la justice, il y a lieu de se poser des questions.

J’entends déjà des voix murmurer ceci : « On veut extorquer de l’argent à P. Diddy », comme l’avocat de ce dernier l’a déclaré aux médias. C’est exactement l’une des raisons pour lesquelles les victimes d’agressions sexuelles se taisent ou attendent des années avant de dénoncer leur puissant bourreau : l’admiration sans bornes que l’on voue aux gens riches et célèbres.

P. Diddy et son ancienne copine Kim Porter

En effet, les célébrités nous fascinent à un point tel que nous nous égarons souvent dans un monde de sophisme et d’illogisme pour les défendre lorsqu’elles se retrouvent dans des situations délicates.

Certes, dans certains cas isolés d’accusation d’agression sexuelle, il y a réellement eu extorsion, mensonges et tous les éléments qui se prêtent à l’affairisme et l’opportunisme. Cependant, comme mentionné plus haut, lorsque plusieurs femmes racontent la même histoire en ce qui concerne Sean Combs, il faut prêter l’oreille.

Et contrairement à la croyance populaire, la majorité des femmes ne s’aventurent pas aveuglément dans des activités sexuelles avec un artiste qu’elle idolâtre.

Plus important encore, une femme qui se promène seule le soir en talons et en mini-jupe ne recherche pas l’attention des violeurs, tout comme la jeune fille de 17 ans qui s’était présentée en jupe courte dans le studio d’enregistrement de P. Diddy et qui ne pensait pas qu’elle serait en proie à un viol collectif.

Pour le moment, ce ne sont que des allégations, mais la couverture médiatique de ce scandale devrait nous donner l’occasion de dire des vérités difficiles en parlant de la culture du viol.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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