Aujourd’hui, l’encre de ma plume se transforme en larmes pour la perte d’un être qui a été un modèle pour la société québécoise, et un enfant chéri de la communauté haïtienne.
Nul besoin de préciser qu’une plume qui pleure est généralement à court de mots pour exprimer sa tristesse.
Surtout lorsqu’il s’agit d’un ami qui s’est enlevé la vie.
Toutefois, pour les milliers de gens qui se suicident annuellement au Québec, nous devons trouver les mots justes afin de briser le tabou autour du suicide.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’il est question de suicide dans mes écrits.
Souffrir en silence
Et malheureusement, les statistiques nous montrent que ce ne sera pas non plus la dernière fois que ce sujet aussi délicat que tabou sera traité, car toutes les 30 secondes, une personne se suicide, quelque part dans le monde.
Or, un suicide est un suicide de trop. C’est un cousin, un ami ou une connaissance qui nous quitte trop tôt.
La semaine dernière, comme vous le savez, notre ami a mis fin à ses jours.
Cet ami, que j’avais l’habitude d’appeler « Maître », et parfois, « Coach », ne tolérait plus ses souffrances.
À vrai dire, il n’a pas voulu mourir, il a voulu disparaître.
Et sa disparition laissera sans aucun doute un vide profond au sein de la communauté haïtienne.
Ce drame est bien la preuve que le suicide n’arrive pas qu’aux autres, qu’il nous touche directement ou indirectement.
En d’autres termes, notre communauté n’est certes pas exempte de ce fléau social.
Il est près de nous, mais nous préférons le tabouiser. Il pénètre dans notre maison, et nous le cachons dans le placard.
Comprendre le suicide
Par notre silence gênant et nos clichés réducteurs concernant la dépression et autres maladies mentales, nous avons érigé un « mur de Berlin » qui nous sépare des suicidaires.
Une frontière de la honte que notre défunt ami n’a pas osé franchir.
Dans les heures qui ont suivi la nouvelle de cette tragédie, j’étais submergé par l’émotion.
Refusant de croire qu’un bon vivant ait pu fuir la vie pour se réfugier dans le suicide, je cherchais à comprendre le pourquoi du comment d’un tel acte.
En fait, cela fait depuis plus d’une vingtaine d’années que je m’interroge sur l’acte de mort volontaire.
Cette longue période de réflexion accentuée par le causalisme m’a permis de corriger mon regard erroné sur le suicide.
J’ai appris à ne plus qualifier de lâche l’acte suicidaire.
Je me suis aussi rendu compte que, contrairement à la pensée populaire de mes compatriotes, un suicidé noir n’a pas été atteint par le mimétisme, c’est-à-dire vouloir faire comme les Blancs. C’est tout simplement un Noir souffrant.
Bref, je ne juge plus ceux qui, soit par pendaison, armes ou intoxication, décident d’en finir. J’essaie plutôt de les comprendre.
La prévention du suicide
En réalité, il est possible de prévenir le suicide. Pour ce faire, nous devons d’abord lever le tabou par une sensibilisation de masse.
Nous devons en parler à voix haute!
Pourquoi maintenir le silence lorsque 800 000 personnes s’enlèvent la vie chaque année à l’échelle mondiale?
Par conséquent, j’admets que le tabou sur le suicide n’est pas haïtien, il est universel.
Que l’on soit Algérien, Sénégalais ou Haïtien, nous avons de la difficulté à exprimer notre mal-être.
En conclusion, le Coach n’est plus, mais il reste présent dans notre esprit. Sa gentillesse, sa politesse et son leadership se disputent une place dans notre mémoire.
Alors que les membres de sa famille tentent de panser leurs plaies, nous, amis et connaissances, devrions penser aux autres suicidaires qui voudraient suivre cette voie.
Par notre affabilité, nous pouvons empêcher un geste désespéré.
Ouvrons notre coeur, ouvrons notre porte, accueillons les personnes en détresse tout en leur laissant savoir que l’issue de secours de notre maison N’EST PAS le suicide.
Si vous ou l’un de vos proches êtes en détresse, appelez sans frais au 1 866 APPELLE ( 277-3553 ). Des professionnels de la santé seront à l’écoute en tout temps.
2 Commentaires
« Ouvrons notre coeur, ouvrons notre porte, accueillons les personnes en détresse »
Bien dit. Les différents tabous, les préjugés qui habitent nos compatriotes et l’incapacité d’accepter les autres tels qui le sont font en sorte que bien des personnes sont incapables de faire preuve d’empathie et surtout de déceler le cri d’appel à l’aide de personnes qui veulent passer à l’acte. Nous avons un grand chemin à parcourir. Tel que tu le fais, il faut continuer d’étaler, de dénoncer ces problèmes afin de faire tomber ces préjugés. Une fois libérés de ces derniers, là, il sera plus facile d’ouvrir nos cœurs et nos portes pour aider ceux en détresse.
Je suis en accord avec toi, N. Guill. Nous avons beaucoup chemin à parcourir, mais il est possible de ralentir ce fléau. Plus rien à ajouter. Tu as tout dit. Merci pour cette visite, camarade. À bientôt…