Alors que les Américains célèbrent leur fête nationale un peu partout au pays des grands « rêves », les inégalités socio-économiques entre Noirs et Blancs persistent. À New York, le constat de ces inégalités est sans appel : les écarts se creusent et la pauvreté s’accroît.
L’objectif de ce texte est de servir d’étude comparative du traitement réservé aux Noirs dans les États-Unis, plus particulièrement dans la « Big Apple ».
Un rêve devenu cauchemar
Plus les années passent, plus on voit dans toute sa laideur le visage raciste et ségrégationniste de l’Oncle Sam : quand ce ne sont pas les jeunes Afro-Américains qui sont victimes de la brutalité policière, ce sont les quartiers noirs, comme Harlem, qui subissent un embourgeoisement qui marginalise la population afrodescendante.
Cela faisait si longtemps que je n’avais pas mis les pieds à New York. Par solidarité avec les pays pauvres et les nations dominées par les empires coloniaux, j’avais décidé de boycotter cette ville étalant les symboles du capitalisme triomphant.
En parcourant les rues de Manhattan, je ne m’attendais pas à voir autant de personnes de la communauté noire vivre dans des conditions aussi lamentables, à la merci de nombreuses maladies liées à la précarité financière.
J’avoue avoir été assez naïf pour croire que la richesse des personnalités comme Jay-Z, Beyoncé, Michael Jordan, Tiger Woods et Oprah Winfrey, rejaillirait comme par magie sur l’ensemble de la population afro-américaine.
Eh bien, non ! C’est une tout autre histoire : aux États-Unis, les Noirs sont 10 fois plus pauvres que les Blancs, et le risque qu’ils vivent sous le seuil de la pauvreté est également très élevé.
Ma naïveté à l’égard de la répartition de la richesse aux États-Unis est peut-être attribuable au célèbre discours intitulé « I have a dream » (j’ai fait un rêve), de Martin Luther King, que j’ai lu et entendu à maintes reprises.
En effet, le leader de la lutte pacifique pour les droits civiques des Américains noirs rêvait de voir les Noirs et les Blancs vivre harmonieusement et à égalité des droits.
Or, dès qu’on foule le sol américain, on s’aperçoit que le rêve de Martin Luther King est brisé. Plusieurs osent même dire que son rêve s’est transformé en cauchemar.
Par exemple, dans les rues de New York, la ville qui ne dort jamais, de nombreuses personnes afrodescendantes se servent des bancs publics pour dormir. D’autres s’allongent avec désinvolture en plein milieu du trottoir, que ce soit durant le jour ou la nuit, espérant qu’un bon samaritain leur lance quelques billets verts.
Cette situation s’étend le long de Manhattan et s’accroît dans le quartier de Harlem, qui est reconnu comme le symbole de la ségrégation des Noirs aux États-Unis.
La vérité est que les Noirs sont surreprésentés dans le panorama du sans-abrisme états-unien. Selon le Département américain du logement et du développement urbain, les Afro-Américains représentent 45% de toutes les personnes sans abri, bien qu’ils ne forment que 13% de la population américaine.
En me rendant à l’hôtel où j’étais descendu samedi soir, j’ai aperçu un sans-abri qui pleurait et criait parce que la nourriture qu’un passant lui avait donnée était tombée par terre, sur le trottoir. Il ne devait pas avoir plus que 20 ans, et il fait malheureusement partie des statistiques inquiétantes que révèle le Département américain du logement et du développement urbain sur l’itinérance des Noirs.
J’avais beau lui donner un peu d’argent pour le consoler, mais je savais qu’il y avait de fortes chances qu’il s’en serve pour soulager ses troubles liés à l’usage de substance, une situation très commune chez les sans-abri, qui reçoivent souvent un diagnostic de maladie mentale.
L’embourgeoisement de Harlem et de Brooklyn
Quelles sont les causes de l’itinérance ?
Des études ont clairement montré qu’en général, les causes de l’itinérance des Noirs américains à New York sont dues aux expulsions de logement et à la perte d’emploi.
D’ailleurs, de l’avis de nombreuses personnes que j’ai croisées au cours de mon séjour, l’embourgeoisement de Brooklyn et de Harlem n’a fait qu’augmenter les cas d’itinérance dans la population noire de New York.
Certains vont même jusqu’à dire que depuis qu’un Starbucks a vu le jour au coin des rues 125e et avenue Lenox, ils savaient que les choses ne seraient plus les mêmes dans le quartier que l’Amérique noire chérit depuis un siècle.
Ils n’ont pas tort. Car, voyez-vous, depuis 2010, plus de 18 000 Blancs se sont installés à Harlem, tandis qu’environ 10 000 Noirs ont dû quitter ce quartier iconique en raison du haut coût des logements.
Où sont les élites noires ?
Même son de cloche du côté des Afro-Américains de Brooklyn, qui ne se sentent plus chez eux, qui assistent avec impuissance à l’embourgeoisement de quartiers traditionnellement noirs de cet arrondissement qui compte plus de 788 000 Noirs.
L’embourgeoisement de Brooklyn a contribué au déplacement de milliers de résidents noirs, et si la tendance se maintient, de nombreuses familles noires quitteront New York, comme 200 000 autres l’ont fait au cours des deux dernières décennies.
Et que font les élites noires face au phénomène ?
Que disent-elles au sujet des politiques gouvernementales qui poussent leurs semblables à vivre sous le seuil de la pauvreté ?
En réalité, il serait utopique, voire insensé de demander au rappeur Jay-Z de partager une partie de sa richesse avec les Noirs qui sont sans abri et qui sont victimes de l’embourgeoisement des quartiers Brooklyn et Harlem.
Cependant, on peut lui demander de repenser les paroles grandiloquentes de sa chanson intitulée « The Empire State of Mind », car ses frères et sœurs sont traités comme des citoyens de seconde zone à New York.
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