Le lundi 24 juin est la fête nationale du Québec. Aussi appelée la Saint-Jean-Baptiste, cette fête est célébrée par les « Gens du Pays » dans un esprit festif et un patriotisme sans égal. Disons que c’est le jour de l’identité québécoise. Cependant, on peut se demander si tous les Québécois se sentent réellement Québécois…
Prenons en exemple le cas des Haïtiens qui ont immigré au « pays » de René Lévesque depuis plusieurs décennies : ont-ils le sentiment d’être des Québécois?
Personnellement, je ne me sens pas Québécois, car très souvent, on m’aborde en me demandant « d’où je viens », « depuis combien de temps je suis au pays ».
Comment peut-on appartenir à une société quand la plupart des membres de cette société nous renvoient constamment à nos origines?
Je ne me sens pas Québécois parce que la télévision québécoise ne me considère pas comme tel. Elle n’affiche presque pas d’artistes ayant la couleur de ma peau et mon accent. « Est Québécoise toute personne qui a la peau blanche et qui parle le français », semblent vouloir dire les producteurs de films et de télévision du Québec.
Lorsqu’un parti politique, doté de sa pensée binaire, mène sa campagne électorale en parlant du « Nous » et « Eux », je ne me sens pas Québécois.
Que dois-je penser quand le premier ministre de la Belle Province déclare qu’il y a trop d’immigrants sur son territoire?
Et que dire de la majorité québécoise qui a soutenu ce dernier aux dernières élections?
Croyez-vous que les Haïtiens aient ressenti un sentiment d’appartenance à la nation québécoise après avoir vu des jeunes membres de leur communauté pousser des chars allégoriques en habit sale, comme à l’époque de l’esclavage, au défilé de la Saint-Jean, en 2017?
Non, je ne le crois pas!
En une semaine, du 24 juin au 1er juillet, les Haïtiens, tout comme les Italiens, les Grecs et les Portugais, sont habités par une dualité identitaire. On leur demande de célébrer leur québécitude et de faire un choix entre « deux solitudes ».
En fait, c’est une lapalissade d’affirmer que dans ce dilemme canado-québécois, le « Rouge » l’emporte sur le « Bleu ».
Et je crois que cette réalité est beaucoup plus complexe que le diagnostic simpliste – « l’argent et le vote ethnique » – proposé par Jacques Parizeau, en 1995.
Le présent texte, chers amis, n’est pas une manifestation d’une dialectique provocatrice ou d’un « Quebec bashing », comme il est d’usage dans les réseaux sociaux. Il s’agit plutôt d’un cri du cœur d’un Québécois venu d’ailleurs, afin que nous remédiions à notre refus proverbial de tenir de vrais débats.
24 ans plus tard, nous, Haïtiens et autres groupes ethniques, ne parvenons toujours pas à guérir les blessures causées par la déclaration tafiateuse de l’ancien premier ministre Jacques Parizeau.
Je ne connais pas à fond les sentiments des autres communautés ethniques à l’égard de la Belle Province, mais je sais parfaitement qu’au cours des dernières années, les Haïtiens ont accumulé assez de raisons qui ne leur permettent pas de se sentir Québécois.
À vrai dire, le Québec est une société ouverte et tolérante… Ai-je bien dit tolérante? Bon, pour certains Québécois, ce mot est un peu excessif : le fait de ne pas pouvoir porter leurs signes religieux dans un lieu de travail peut les inciter à refouler leur québécitude.
Mais ça, c’est une autre histoire.
En conclusion, les Haïtiens aiment le Québec. On ne passe pas plus de 60 ans chez quelqu’un si on ne lui voue pas un certain amour. Dans le cas des Haïtiens et la société québécoise, il s’agit d’une « relation compliquée ».
Une relation compliquée par les différences culturelles, l’iniquité raciale, la question référendaire et autres facteurs qui caractérisent l’unicité du Québec.
Oui, je suis Québécois et je ne laisserai personne définir ce que je suis.
Si parfois un certain flou subsiste quant à mon identité nationale, c’est tout simplement parce que j’ai le privilège de faire la fête le 18 mai et le 24 juin.
Bonne Saint-Jean à tous!
Je vous invite à prendre part à la conversation en laissant un commentaire au bas du site. Merci.
4 Commentaires
Personnellement même si je suis né ici , je me considère pas Québécoise mais simplement Canadienne-haïtienne, il est vrai ici à Montréal on est assez bien métissé comme communauté et même là encore.
Quand je regarde les émissions québécoises nous ne sommes pas ou presque pas représenté. Et lorsque je vois les commentaires sur les réseaux sociaux surtout des gens en région. Les commentaires sont très négatifs et très péjoratifs ( une question d’ignorance quoi)…
Et malheureusement, lorsqu’il y a une situation négatifs et péjoratifs ( question d’ignorance quoi ). Et le doigt est automatiquement pointé sur nous
Ketsia, c’est quand même dommage que vous ne vous sentiez pas Québécoise malgré le fait que vous soyez née ici. Comme vous dites, le visage blanc de la télé québécoise joue un rôle majeur sur notre sentiment d’appartenance. Espérons que les choses changent, chère cmpatriote.
Merci pour votre visite et à bientôt.
Bonjour Walter. Même des Québécois de naissance, ne sentent pas Québécois, cela surtout depuis l’élection du gouvernement le plus franchement xénophobe de l’histoire. J’en suis un. Tout comme la commentatrice précédente, je me sens surtout Montréalais et Canadien.
Je n’écoute pratiquement plus la télé francophone, toutefois il me semble que Radio-Canada est beaucoup plus ouverte aux autres cultures que TVA et autres médias Québécor. Je réitère un souhait, déjà fait auparavant, à savoir que tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’idéologie véhiculée par Québécor abandonnent, si ce n’est pas déjà fait, sa vache à lait Vidéotron.
Il y a assez de faits xénophobes troublants sans pointer un incident, certes regrettable, mais semble-t-il involontaire comme celui des jeunes haïtiens poussant un char allégorique. Ces jeunes étaient membres d’une équipe de football américain d’une école voisine et ils avaient été choisis en vertu de leur force physique.
Je ne nie pas la possibilité de racisme chez les organisateurs, seulement il me semble que, si c’était le cas, ils n’auraient jamais osé le manifester de façon aussi outrageante.
Finalement, à propos de l’éternelle question « D’ou viens-tu? », je dois avouer que, la plupart du temps, je suis très tenté de poser la question dès que je détecte un accent non-local. Non pas que je dénie le caractère québécois de la personne, mais c’est surtout par désir d’en connaitre plus sur son pays d’origine et peut-être aussi sur son parcours personnel. C’est toujours plus agréable d’apprendre directement d’une personne que de le lire ou voir sur vidéo.
J’admets facilement, qu’à la longue, cela peut s’avérer exaspérant de répondre à cette question.
Salut et à la prochaine.
Salut Luc! Très bon point, mon ami. Le gouvernement actuel accentue le détachement e ces Québécois venus d’aiileurs, certes. Cependant, avouons que ce phénomène date depuis queque temps. Il y a quand même eu les blessures du référendum de 1995, lorsque M. Parizeau a clairement établi une forme de ségrégation identitaire.
Oui, les groupes ethniques devraient penser à un boycott de Québécor.
Et je comprends très bien que les gens peuvent essayer d’entendre une belle histoire en me demandant d’où je viens. N’en demeure, face à cette question, je cogite sur mon identité nationale.
toujours un plaisir de lire tes commentaires, cher ami. À bientôt.