La majorité des Noirs vivant à Montréal le savaient, et tout le Québec devait l’entendre. En déclarant, à Tout le monde en parle, qu’il n’utilisait pas son téléphone et qu’il n’est jamais sorti de sa voiture lors de son interpellation du 28 janvier dernier, Mamadi Camara a mis le doigt sur un cancer social qui ronge la société québécoise : des policiers de Montréal sont prêts à tout pour envoyer les hommes noirs en prison.
Ils sont prêts à mentir, voire fabriquer des preuves pour tenir un Noir captif, afin de le chosifier et l’animaliser.
Le monde pas si merveilleux du SPVM
D’ailleurs, ces faits ont été confirmés lorsque Camara a révélé à l’animateur Guy A. Lepage qu’à son arrivée en prison, le regard des gardiens, qui le considéraient comme un « tueur de policier », lui a donné un air monstrueux.
Tout a commencé par une contravention. Un mensonge. Un prétexte dans le but de donner un billet pour un voyage en enfer où le Guinéen est passé de chercheur à la Polytechnique à « monstre » de la jungle du célèbre centre de détention Rivière-des-Prairies.
Quand ce n’est pas leur fabulation au sujet d’un prétendu suspect qui porte le même vêtement que la personne interpellée, c’est le mensonge sur l’excès de vitesse ou le non-port de la ceinture de sécurité.
Comme dans les films d’Hollywood, à l’arrestation de Camara, les policiers ont préféré le sortir de sa voiture par la fenêtre et le jeter par terre, avant qu’un d’eux pose sa botte sur sa tête, comme s’il apposait le drapeau « espévémien » pour revendiquer une occupation de la communauté noire.
Voilà !
Bienvenue dans le monde pas si merveilleux du SPVM, où les cas d’une « complexité exceptionnelle » sont traités par des mensonges.
Quiconque a fait l’objet de profilage racial dans sa vie vous dira qu’il est rare que celui-ci ne soit pas accompagné d’un mensonge ou deux. La réalité est que les policiers de Montréal ont à leur disposition un réservoir d’excuses pour commettre leurs injustices.
Quand ce n’est pas leur fabulation au sujet d’un prétendu suspect qui porte le même vêtement que la personne interpellée, c’est le mensonge sur l’excès de vitesse ou le non-port de la ceinture de sécurité.
Le racisme systémique
De mon côté, le cas de profilage racial qui m’a le plus marqué a été la fois où deux policiers ont voulu savoir si j’étais l’un de ces « mauvais » Noirs en prétextant me donner une amende pour avoir traversé la rue au feu rouge.
Alors que le feu était bel et bien vert quand mes camarades de classe blancs et moi avons traversé la rue après avoir quitté un restaurant, qui était situé près du Cégep du Vieux Montréal, deux policiers sont sortis de leur auto-patrouille pour me demander de leur montrer mes pièces d’identité afin qu’il puisse me donner ladite contravention.
Lorsque mes camarades de classe ont protesté contre leur abus, les policiers leur ont demandé de se mêler de leurs affaires s’ils ne veulent pas du trouble.
Jeune et inquiet au sujet de mon examen de philosophie, j’ai obtempéré et reçu le billet qui symbolisait l’injustice raciale et le racisme systémique.
Je ne sais pas si mes anciens condisciples ont revisité ce passé honteux, mais moi, ce sombre souvenir ne m’a jamais abandonné. Par moments, il refait surface, comme pour me garder éveillé et impliqué. Il vagabonde dans mes pensées chaque fois qu’un cas de profilage racial est présenté dans les médias.
Chères lectrices, chers lecteurs, les cas de profilage racial orchestrés par les mensonges du SPVM ne sont pas à prendre à la légère.
Un profilage perpétré par un gardien de sécurité dans un supermarché ou une pharmacie est très grave.
Cependant, lorsqu’il s’agit d’agents du Service de police de la Ville de Montréal, le profilage racial peut être mortel : on n’a qu’à penser à Anthony Griffin, Marcellus François, Fredy Villanueva et Bony Jean-Pierre.
Briser le silence
S’il est vrai que nous ne pouvons pas mettre dans le même panier les « bad cops » et les « bons cops », nous sommes en droit de nous poser des questions sur le silence de ces derniers.
Qui ne dit mot consent.
Nous devons également nous demander si les Afro-Montréalais vêtus de l’uniforme bleu sont avant tout policiers ou… Noirs.
Et que pense la population québécoise sur ces mensonges policiers qui affectent la communauté noire ?
A-t-elle la même attitude que Dany Turcotte, qui a démontré de l’insensibilité à la cause de Mamadi Camara, qui est devenu malgré lui un symbole de la lutte contre le profilage racial ?
Heureusement que dans notre belle communauté, il existe des gens comme Will Prosper et tant d’autres qui n’adhèrent pas au principe « Mourir sa poule », c’est-à-dire ne pas faire de bruit pour ne pas déranger.
Cette forme de capitulisme ne convient tout simplement pas aux règles dessaliniennes.
Gens de la Communauté et alliés, ce texte disparaîtrait dans le vide si je n’y apposais pas ce lien bit.ly/justicemamadicamara qui vous permet de faire un don pour soutenir Mamadi dans son long combat judiciaire.
Au moment d’écrire ces lignes, j’apprends que le gouvernement fédéral accordera la résidence permanente à Mamadi Fara Camara.
Bonne nouvelle.
Camara et la communauté noire viennent de gagner une partie et en gagneront une autre lorsqu’il y aura dédommagement de la part de la Ville de Montréal.
Néanmoins, la marche vers la victoire se poursuivra jusqu’à ce que le gouvernement Legault reconnaisse le racisme systémique.
Je vous invite à participer à la conversation en laissant un commentaire un peu plus bas sur le site. Merci.
18 Commentaires
Bravo tout est dit
Merci mon frère ! C’est gentil.
Très bon article. En effet, nous sommes plusieurs à avoir des histoires similaires à raconter, et comme vous le dites, ces histoires restent gravés à jamais et refont surface aussitôt que nos frères/soeurs vivent une situation d’injustice, et cela, partout dans le monde.
Merci beaucoup pour le compliment, Peeta. Et, oui, c’est tout un traumatisme, et beaucoup parmi nous ne s’en rendent pas compte de gravité de nos blessures concernant le profilage racial.
À bientôt, camarade.
Not a single lie ! Et c’est exactement ce que je pensais en lisant les articles ! J’ajouterais même parmi les nombreux mensonges, les supposées preuves qu’ils avaient contre Camara : Du sang sur sa portière et sur la porte de son appartement, la contravention déchirée. Je crois aussi que la réaction violente qu’on lui a allégué est un odieux mensonge.
Mille mercis pour cette précisition, Ruby ! Il faut croire que les médias ont égalament leur tort dans ce dossier-là. Je dirais même que la Polytechnique n’a pas bien géré le cas. Mais bon…
À bientôt, camarade.
Nice work
Hey, bro ! Long time no see. Merci beaucoup, frère !
Je te suis depuis quelque temps, tu fais du bon travail à travers tes écrits 👏🏿👍🏿
Mon cher Herve, je te remercie grandement pour ces bons mots. À bientôt.
Vous avez entièrement raison. L’injustice ne s’effacera jamais de nos mémoires. J’ai vécu personnellement une injustice en 2007 et presque 14 ans plus ça revient toujours et m’empêche des fois de dormir !!!
Assurément, Amar, on n’oublie jamais ces événements. Le fait qu’on assiste encore à beaucoup de cas de cette injustice nous oblige à penser à ce passé sombre. Malheureusement.
Merci beaucoup pour votre témoignage, camarade. À bientôt.
La lecture de votre texte m’a ramenée le souvenir d’une vérification faite à ma fille adolescente à l’époque. Elle sortait du Collège Stanislas à Outremont. Elle était en compagnie de ses camarades de classe, secondaire 3 ou 4. À la station de métro, elle est arrêtée ainsi que 2 de ses amis, un Haïtien et un Libanais. Les autres, blancs ne sont pas interpellés. Les policiers demandent à voir leur carte d’identité à ma fille et les 2 autres. À ce moment là, ma fille demande aux policiers, mais pourquoi nous et pas eux en pointant vers ses autres amis blancs. Et le policier de lui répondre, eux (les blancs) n’ont pas l’air suspect!!! Cette histoire date de plus de 15 ans et jusqu’à aujourd’hui j’ai mal quand j’y repense. Comme maman je l’ai vécu comme un viol. Oui je pèse mes mots. Je faisais tout pour élever ma fille du mieux que je pouvais et voilà que ce policier venait de saboter l’éducation de ma fille. Ma fille aujourd’hui ne fait pas confiance à la police.
Quel manque de respect et de sensibilité. Je suis sûr que votre fille et ses amis portaient leur uniforme du Collège Stanislas lors de leur interpellation. Parfois on se demande si ces polciers sans honte n’agissent pas par jalousie.
Je suis vraiment désolé pour ce qui est arrivé à votre fille, et Merci beaucoup pour ce témoignage, Fifi.
À bientôt.
Article et témoignage intéressants. Il important de continuer à dénoncer le racisme et les injustices.
Bonjour Walter. C’est très bien que les gens, incluant toi-même, racontent leurs mauvaises expériences avec les forces policières. Il y a tellement de gens qui refusent d’y croire.
Il aurait été possible de contester ta contravention, mais il aurait fallu qu’au moins un de tes compagnons accepte de témoigner. Mais, je sais bien qu’à cet age, on préfère passer à autre chose si le coût est abordable.
Mon fils adoptif, que tu as rencontré brièvement à une occasion, a eu, à ma connaissance, trois mauvaises expériences. Il en a sûrement eu d’autres que je ne connais pas.
Un matin, il roulait un peu trop vite sur du Parc vers le sud, mais il y avait aussi deux autres véhicules, dont un pick up, qui roulait au moins aussi vite, sinon un peu plus que lui. Un policier stationné à la hauteur du monument G-E Cartier les a rattrapé au feu rouge rue des Pins. Mon fils a dit qu’il a regardé les trois conducteurs. Les deux autres étaient blancs. Devine qui a hérité du billet? En passant, un pick up qui roule trop vite est bien plus dangereux qu’une auto ordinaire.
Une autre fois, il roulait en pleine nuit sur The Boulevard, Westmount, c »est plus rapide pour se rendre chez lui. Il s’est fait tasser. Évidemment, le ou les policiers n’avaient aucune raison de le faire autre qu’un jeune noir dans Westmount en pleine nuit, c’était trop suspect pour eux.
La dernière, encore la nuit, est la fois qu’une auto de police l’a suivi sur une longue distance, espérant peut-être qu’il commette une infraction, aussi minime soit-elle. Cela l’a rendu nerveux, mais rien n’est arrivé. Je lui ai conseillé, si cela arrivait une autre fois, de se stationner temporairement le plus tôt possible. J’ai même suggéré, une fois stationné, de faire le 911 pour se plaindre d’être suivi sans raison par une auto de police. J’aimerais ton avis là-dessus, car cela pourrait être perçu comme de la provocation.
Tu as bien raison de souligner l’omerta qui sévit dans le SVPM. Pas surprenant que le TDC Francoeur soit à la tête de la Fraternité depuis si longtemps.
D’autre part, tu poses la question, sans y répondre, si les Afro-Américains policiers devraient être avant tout policiers ou Noirs. La réponse est sans équivoque, ils doivent être avant tout policiers.
Finalement, le policier agressé dans l’affaire Camara a probablement un historique de contraventions très élevées et non justifiées. Cela expliquerait pourquoi quelqu’un (autre que M. Camara, évidemment) lui en voulait au point de faire cette incroyable agression.
Merci mon cher Luc. Toujours aussi éloquent. Eh bien, finalement l’agresseur de cette fameuse attaque a été arrêté.
Espérons que les chose se passeront bien pour Camara.
À bientôt, Luc.
Tu es un excellent écrivain. Merci pour tes articles !