
En s’imposant 103-91, dimanche soir, au septième match de la finale de la NBA, le Thunder de Oklahoma City devient pour la première fois champion de cette prestigieuse ligue. C’est bien sûr une victoire du Nord-Montréalais Lugentz Dort et de ses coéquipiers, mais aussi celle de tous les Haïtiens, et particulièrement les pionniers du basketball dans la communauté haïtienne de Montréal.
N’étiez-vous pas fiers de voir Lugentz Dort déambuler le long du couloir menant au vestiaire avec le drapeau du Canada et celui d’Haïti, après le match ?
Personnellement, j’ai été touché par ce geste patriotique, mais nous reviendrons sur ce sujet plus tard dans la semaine.
L’« effet Charles Rochelin »
Aujourd’hui, nous tenterons de nous lancer sur les traces de ceux et celles qui ont ouvert la voie à Lugentz Dort, à Bennedict Mathurin et à Olivier-Maxence Prosper, un autre Montréalais d’origine haïtienne, qui joue également dans la National Basketball Association (NBA).


Précisons d’emblée que l’essor du basketball dans la communauté haïtienne n’a pas été un long fleuve tranquille.
Il y a quatre décennies, les jeunes Montréalais d’origine haïtienne ont dû surmonter des obstacles de taille dans leur tentative d’intégrer le basket dans la culture de leur communauté, voire du Québec.
À l’été 1985, j’étais chez Patrick Désiré quand celui-ci a reçu le fameux appel interurbain de son bon ami Charles Rochelin, qui était allé poursuivre ses études à Toronto.
Le géant de 6 pieds 7 pouces désirait annoncer une nouvelle qui allait galvaniser les amoureux du basketball dans l’est de la métropole : « Concons (le sobriquet de Patrick), j’ai été recruté par l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). »
Saint-Michel venait de gagner le gros lot. Un de ses enfants faisait partie des 3,4 % des 557 321 étudiants à être recrutés par une équipe de la NCAA.
Nous avons sauté de joie, et la nouvelle s’est rapidement répandue dans le quartier. Puisque c’était un dimanche, nous sommes allés au club Versailles, situé à l’intersection des rues Jean-Talon et Pie-IX.
Arrivés devant le club, nous avons été surpris de voir une foule de sportifs discuter de l’entrée de Charles Rochelin dans la Division 1 de la NCAA, dans l’équipe de la star Reggie Miller.


À ma connaissance, Rochelin a été le premier Québécois d’origine haïtienne à fouler les parquets de la NCAA, et son influence sociale s’est fait sentir rapidement.
Comme exemple de l’« effet Charles Rochelin », quelques mois plus tard, la formation masculine de basketball du Collège de Maisonneuve alignait sept joueurs de la communauté haïtienne : Ernest Cadet Jr., Wolfe Désiré (frère de Patrick), Wilbert St-Juste, Emerson Pierre-Louis, Grégoire Lafontant, Harold Sanon et Réginald Jean, formant une équipe explosive avec Peter Balfour et Aubrey Merriman, deux joueurs noirs anglophones.
Des athlètes superbes, qui vouaient un amour inébranlable pour le basketball, un sport qui vivait dans l’ombre du hockey, la religion du Québec.
L’indifférence, voire la totale indifférence qu’affichait la population québécoise vis-à-vis leur sport, ne ralentissait pas leur élan. Les jeunes Haïtiens nourissaient l’ambition de jouer dans la NBA, de rencontrer leur idole, Michael Jordan.
Quand le parc Pie-XII était le « Rucker Park » des Montréalais
Comme me le rappelait Ernest Cadet Jr. lors d’une conversation téléphonique, à leur époque, il n’existait pas de programmes sports-études et de concentrations. Ils devaient trouver les moyens pour se consacrer à leur sport favori, et ils ont jeté leur dévolu sur un terrain de basketball du parc Pie-XII, à Saint-Léonard.
« Le parc Pie-XII convenait aux joueurs dont le calibre de jeu était élevé, donc les meilleurs devaient passer par là », a soutenu Cadet qui, avec Alex Thoby, était la tête d’affiche de ce parc mythique pour les basketteurs, qui le considéraient comme leur « Rucker Park ».

Parfois, ils devaient composer avec les pratiques de profilage racial des policiers du SPVM, qui associaient le basketball et la jeunesse noire à la criminalité.
Bref, ce n’était pas facile pour l’ancienne génération de basketteurs haïtiens.
Aujourd’hui, quand je constate que plus d’une quarantaine de Québécois, dont 20 Montréalais, évoluent dans la Division 1 de la NCAA, je souris en pensant à Charles Rochelin et aux autres pionniers de basket dans la communauté haïtienne.
Quand je vois Lugentz Dort avec le trophée Larry O’Brien dans ses mains, je me dis que les Haïtiens peuvent accomplir de grandes choses, qu’ils soient de Montréal-Nord ou de Saint-Marc.
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1 Commentaire
Très bel article Walter …. Charles Rochelin est définitivement le pionnier du basket au Québec, celui qui n’a pas eu peur de jouer garde et devenir un spécialiste des tir de 3 points malgré sa taille
Bravo a Lugentz et Bénédicte…je suis fier d’eux. C’était un moment historique pour nous