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Martinez et Alneus : le Montréal féminin et multiculturel qu’on aime


Doit-on dire « Montréal est beau ou Montréal est belle ? » En langage courant et parlé, les gens ont tendance à utiliser le masculin pour désigner la métropole, y compris moi-même. Mais je soupçonne que, désormais, après l’assermentation des élus à l’hôtel de ville de Montréal, nous dirons plutôt que Montréal est belle et multiculturelle.

Soraya Martinez Ferrada et Ericka Alneus. Deux femmes issues de l’immigration, qui ont gagné leur place à l’écriture d’un nouveau chapitre de l’histoire de Montréal. La première a été élue mairesse de la métropole, le 2 novembre, tandis que la seconde est devenue la cheffe de l’opposition.

Une révolution

Bien qu’il y ait encore du chemin à parcourir, nous devons dire cette vérité : jamais une élection n’aura montré autant les qualités progressistes du Québec.

C’est un moment historique qui caractérise le pluralisme culturel de Montréal, où plus d’un tiers de la population est née à l’étranger.

En fait, deux femmes issues des communautés ethniques, à la tête des deux partis principaux de Montréal, ce n’est plus du changement, c’est une révolution.

Alors que la presse internationale célèbre avec éclat le nouveau maire Zohran Mamdani, un musulman né en Ouganda, les médias québécois saluent en sourdine l’ascension politique d’Alneus et de Martinez.

J’avoue qu’il est plus sexy de croquer la Grosse Pomme plutôt que de savourer le goût de la victoire de deux Montréalaises qui apportent un vent de fraîcheur dans la Belle Province, mais ce n’est pas une excuse valable.

Ericka Alneus, de Projet Montréal, est née de parents haïtiens qui se sont installés dans les Cantons-de-l’Est à la fin des années 1970.

Et les parents de Soraya Martinez Ferrada ont choisi la métropole comme terre d’accueil quand ils ont fui la dictature du général Pinochet, au début des années 1980. La jeune Soraya avait huit ans.

Ce sont ces différences culturelles qui enrichissent Montréal. Nous l’avons toujours su, mais une bonne partie de la population montréalaise a préféré le nier.

Le féminisme de Valérie Plante

Montréal ne pouvait plus se proclamer la plus grande métropole francophone des Amériques en ignorant la question de la diversité des cultures ainsi que celle de l’émancipation des femmes.

On a beau dire que Valérie Plante a malmené la ville, il n’en demeure pas moins qu’elle a permis aux Montréalais de voir leur ville comme un ensemble multiculturel. En 2021, aux élections municipales de Montréal, Projet Montréal avait recruté un nombre record de candidats issus de la communauté noire.

Gracia Kasoki Katahwa, d’origine congolaise, a été élue mairesse de l’arrondissement Côte-des-neiges-Notre-Dame-de-Grâce, et Dominique Ollivier, d’origine haïtienne, était la présidente du Comité exécutif de Montréal.

C’était fort comme représentation des femmes et des personnes issues de l’immigration à l’hôtel de ville.

Or, aujourd’hui, le symbole est encore plus puissant. Ericka Alneus et Soraya Martinez Ferrada attireront sans aucun doute l’attention des médias, mais le plus important, c’est qu’elles inspireront de nombreux jeunes des communautés ethniques.

Bien qu’elles représentent tous les citoyens montréalais, ces deux femmes en or seront celles qui sauront interpréter les signaux de détresse des communautés racisées.

Le paradoxe québécois

Sans vouloir être pessimiste, je vois déjà des gens qui voudront contester l’identité québécoise de ces deux femmes intelligentes, mais ces personnes ignorantes seront vite découragées par la force de caractère de la mairesse et de la cheffe de l’opposition.

Soraya Martinez Ferrada

Je dis cela, car les personnes racisées savent parfaitement que leurs pairs qui osent aller dans les plus hautes fonctions ont dû faire face des obstacles liés au racisme et à la discrimination envers les immigrants, ce qui a éveillé leur résilience.

Une Chilienne et une Haïtienne qui occupent respectivement les postes de mairesse et de cheffe de l’opposition. Un rêve devenu réalité.

Ce que je retiens le plus de ce rêve montréalais, c’est l’importance de toujours mener le combat contre les injustices sociales et raciales.

Pour moi, l’élection de Mme Martinez comme mairesse de Montréal vient de mettre en lumière le paradoxe québécois : « Il y a trop d’immigrants au Québec, mais je veux qu’une immigrante soit la mairesse de ma ville ».

Les gens ont voté pour Soraya Martinez Ferrada non pas parce qu’elle est femme ou immigrante, mais parce qu’elle s’est distinguée par son intelligence, sa chaleur humaine et son attachement à sa ville d’adoption.

Même chose pour Ericka Alneus, qui a été élue à l’unanimité cheffe de Projet Montréal.

Bref, le message des électeurs montréalais est clair : « peu importe la couleur de votre peau, votre ethnie, votre religion, votre sexe ou votre orientation sexuelle, tenez vos promesses ! »


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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