Les brèves

Cap-Haïtien : la magie des fêtes champêtres et le vaudou du bassin Saint-Jacques


Quand j’étais petit, à Port-au-Prince, j’attendais avec impatience la fin des classes pour une raison simple : passer les vacances au Cap-Haïtien, le pays de ma mère, qui disposait de sa propre culture, de sa propre langue, où on disait « kinannm » au lieu de « le mien », « akem » au lieu de « avèm ». 

À l’époque, le voyage vers le Cap-Haïtien se passait relativement bien, 200 kilomètres de montagnes sur un chemin parfois caillouteux, des arrêts à Saint-Marc, aux Gonaïves et à Limbé. 

La bamboche capoise

Une fois que nous avions passé le périlleux Morne Puilboreau en tenant chacun (tous les membres de la famille) un chapelet à la main, je me permettais enfin de rêvasser. Je pensais aux anciennes maisons très colorées et aux spectacles du Feu-Vert Night Club, qui assuraient l’unicité du chef-lieu du département du Nord. 

Cependant, ce qui faisait voyager davantage mon esprit, c’étaient les fêtes champêtres de la Plaine du Nord et de Limonade, qui se déroulaient les 24 et 25 juillet. 

Dans sa chanson Bamboche créole, Ti Manno, le plus grand chanteur haïtien de tous les temps, fait référence à « la belle époque » pour parler de ses souvenirs de vacances d’été au Cap. 

Personnellement, je crois qu’il n’y a pas de mots pour décrire ce que ressentaient les Capois et les gens des quatre coins d’Haïti lorsqu’ils débarquaient à la Plaine du Nord et à Limonade pour faire la fête et aller aux pieds de Saint-Jacques-Majeur et de Sainte Anne, dans l’espoir de voir ces esprits mettre fin à leurs malheurs et à leurs déceptions. 

Chrétien et vaudouisant

Le jour, ils conjuguaient Jésus, Marie, Joseph et Ogou, le « loa » représenté par Saint-Jacques-Majeur. Et le soir, ils mangaient, riaient et allaient dans les bals. 

La première fois que j’ai assisté à un bal de Septentrional, c’etait justement à ce pèlerinage, à la Plaine du Nord. Je n’avais que sept ans, et j’étais particulièrement ébahi par la magnificence des adultes et leur façon de s’amuser. 

Ce qui suscitait un grand intérêt chez moi, c’était le bassin de la Plaine du Nord, la demeure de Saint-Jacques-Majeur. 

Des gens de toutes les couches sociales se jetaient dans cette mare boueuse et fétide. Certes, plusieurs le faisaient pour se libérer de leur mauvais sort, mais la plupart voulaient simplement pratiquer leur religion. 

Dieu merci, ils n’ont pas été affectés par la diabolisation du vaudou par l’Occident. 

Je sais, je sais, bon nombre d’entre vous, plus particulièrement les pratiquants, êtes tétanisés par la désinvolture de cette dernière phrase, mais il importe de savoir que c’est justement ça la magie des fêtes champêtres de la Plaine du Nord et de Limonade. 

Faire la fête et jouir de la coexistence du catholicisme et du vaudou, ce qui confirme la crise identitaire d’une nation ayant retrouvé ses repères ancestraux, mais encore attachée aux héritages coloniaux. 


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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