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Québec : anti-immigration et référendum sont des mots qui ne vont pas très bien ensemble


Dans la chanson des Beatles, Michelle, interprétée par Paul McCartney, le chanteur de Liverpool nous fait savoir que « Michelle, ma belle » sont des mots qui vont très bien ensemble. Sortie en 1965, cette chanson a connu un succès mondial. Or, aujourd’hui, je m’inspire du refrain de ce morceau pour vous annoncer que l’anti-immigration et le référendum sont des mots qui ne vont pas très bien ensemble.

Je ne dis pas cela en raison de l’absence de schéma rimique de ces deux mots, mais bien pour nous rappeler les moments de division et de haine que le Québec a connus en 1980 et 1995, les années référendaires.

La politique de la division

Comme vous le savez, depuis quelques semaines, deux sujets retiennent l’attention dans les médias québécois : l’immigration et l’éventuelle indépendance du Québec si jamais le Parti québécois prenait les rênes du « pays » l’an prochain.

Il ne se passe pas un jour, pas une heure, peut-être pas une minute sans que la question référendaire revienne, alimentant les conversations sur les réseaux sociaux.

Voyez-vous, loin de moi l’idée de déconseiller à un peuple de mettre un terme à son processus d’autonomisation, de renoncer à son rêve le plus cher, qui est la création d’un État.

Bien au contraire, étant né en Haïti, un pays qui a vu le jour dans des circonstances difficiles et éprouvantes, je partage profondément la détermination de quiconque désirant se libérer de l’emprise de son oppresseur, s’il y en a un.

Cependant, ce que je trouve malhonnête et lâche, c’est lorsque des élus utilisent les immigrants pour stimuler le nationalisme québécois. Ils catégorisent à tort ces gens venus d’ailleurs comme les responsables de tous les maux de la province.

Or, l’histoire nous apprend que pratiquer la politique de la division pour se séparer du Canada n’a jamais donné de résultat positif, et il est dommage que de nombreux souverainistes semblent vouloir ignorer ce fait.

Inutile de vous dire que cette stratégie politique, voire électoraliste, nuit énormément au vivre ensemble. Non seulement celle-ci déchire la population, mais elle refroidit l’enthousiasme que les électeurs issus de l’immigration ont pour la cause souverainiste.

L’argent et le vote ethnique

Le 30 octobre 1995, le soir du deuxième référendum québécois, c’est ce qui est arrivé quand, avec sa déclaration motivée par le tafia et la xénophobie, Jacques Parizeau a administré une gifle en pleine figure des intellectuels de la communauté haïtienne qui s’étaient rangés du côté du camp du Oui : « On a été battus par l’argent et des votes ethniques », pif ! paf !

Stupéfaits et désorientés, c’est avec une grande tristesse que les indépendantistes d’origine ethnique ont reçu le coup de M. Parizeau.

Pour plusieurs, cette blessure s’est avérée difficile à surmonter, étant donné qu’ils estiment avoir été séduits et abandonnés par l’équipage du Oui à la suite du naufrage référendaire.

Il y a quelques jours, je lisais un texte que le chef du Parti québécois, Paul Saint-Pierre Plamondon, a publié sur Facebook. Le sujet abordé était l’immigration, et j’ai été surpris de voir quelques membres de la communauté haïtienne, qui embrassent pourtant le projet d’indépendance du Québec, s’en prendre à l’hostilité anti-immigration qui régnait dans la plateforme de M. Plamondon.

Parmi ces commentaires dénonciateurs, on pouvait aussi apercevoir des noms italiens, grecs et arabes.

Même des Québécois de souche ont montré leur désaccord avec l’idée de choisir les immigrants comme les souffre-douleur des problèmes de leur « pays ».

En début de semaine, j’ai même entendu une personne âgée, une Tremblay, dire la phrase suivante à son interlocuteur : « Ce n’est pas en crachant sur les immigrants qu’on va l’avoir notre pays ».

Aurait-elle été influencée par le passage de Régis Labeaume, souverainiste et ancien maire de Québec, à l’émission Tout le monde en parle ?

Je ne sais pas.

Le « Nous » et les « Autres »

Toutefois, il est une chose dont je suis sûr : s’il y a un troisième référendum, le camp du OUI devra se montrer rassembleur, c’est-à-dire mettre de côté son fameux discours « Nous et les autres ».

Je me souviens qu’en 1980, la veille du premier référendum, des amis de mes parents avaient pris la « sage » décision de ne pas envoyer leurs enfants à l’école, et ils avaient même essayé de convaincre mon père de les suivre dans leurs « dérives » marquées par la prudence.

J’étais à l’école primaire, et j’étais plus préoccupé par les problèmes d’Actarus et de Goldorak.

Des camarades de classe d’origine italienne croyaient qu’une victoire du Oui allait donner naissance à une milice anti-migrant qui, avant tout, ciblerait les Italiens et les anglophones.

Bien qu’inconscients de la portée de ce référendum, nous pouvions voir que quelque chose ne tournait pas rond dans le quartier, dans la province.

L’inquiétude était palpable dans les cafés italiens, et les Québécois d’origine haïtienne se préoccupaient de conserver leur emploi.

Quelques jours avant l’élection, la tension a monté d’un cran. Alors que je sortais de l’école avec des amis haïtiens, Daoust, un camarade de classe, qui ne savait pourtant rien de Jean Lesage et de la Révolution tranquille, nous a crié en riant : « Vous allez tous retourner chez vous quand on sera maîtres chez nous ».

Il est clair que le psittacisme de Daoust est hérité de ses parents, car, à l’époque, la société québécoise s’exprimait sans retenue en employant ce fameux « Nous ».

Je l’ai dit au début du texte et je le redis : je n’ai pas de problème avec le fait que des leaders politiques emploient le « Nous » pour affirmer l’existence de la nation québécoise en période référendaire.

Mais quand ils utilisent ce « Nous » pour envoyer des missiles envers ceux qu’ils appellent les « Autres », il faut se demander si les souverainistes ne considèrent pas les Québécois qui ne sont pas de souche comme leurs réels adversaires plutôt que le « gros méchant » ROC (Rest of Canada).

À mon humble avis, il est fondamental de tirer les leçons du passé et de se rendre compte qu’il est contre-productif de se concentrer sur les immigrants quand on veut voler de ses propres ailes vers un avenir souverain.

Les processus employés pour acquérir l’indépendance varient d’une société à l’autre. En Monténégro, par exemple, cela s’est fait de manière pacifique et non violente, tandis qu’en Haïti et en Algérie, la liberté a été gagnée à la suite de conflits armés.

Quant à la Belle Province, il est dans l’intérêt vital du camp du Oui d’inclure dans son projet référendaire les Québécoises et les Québécois de toutes les origines s’il veut gagner.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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