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La Coupe du monde 2026 et la force inébranlable des Haïtiens


Haïti s’impose 2-0 face au Nicaragua. Peu après ce match historique, mon ami Robert m’appelle. Ému et en pleurs, d’une voix rendue presque inaudible par les cris de joie de gens autour de moi, Robert me dit : « Walter, nou la ! Nou pa mouri ! » Non, le peuple haïtien ne mourra pas. Et cette victoire qui a permis à Haïti de décrocher son billet pour la Coupe du monde de la FIFIA 2026 représente un bel exemple de la résilience des filles et fils de Dessalines.

Ceux et celles qui ont pleuré devant la victoire de l’équipe haïtienne ont passé en revue l’année 2025 et ont conclu que leur Haïti chérie n’a connu que des moments difficiles, et ce, depuis trop longtemps.

Le miracle haïtien

Cette victoire s’avère d’autant plus importante qu’elle a été remportée le 18 novembre, une date qui nous rappelle la Bataille de Vertières, en 1803. Oui, oui, cette grande bataille qui a fait fuir les Français et qui a mené à l’indépendance d’Haïti, en 1804.

En fait, le parcours des Grenadiers aux qualifications de la Concacaf est à l’image de leur pays : vaincre dans des circonstances exceptionnelles.

La formation haïtienne n’a joué aucun match des qualifications à la maison, car la violence a rendu Haïti presque invivable. La dégradation de Port-au-Prince, où se trouve le stade Sylvio Cator, ne fait qu’empirer. 85 % de la capitale est sous le contrôle des gangs de rue.

Arrivés au stade Erguilio-Hato, à Curaçao, pour le match ultime, les Grenadiers devaient battre le Nicaragua et espérer que le Honduras ne gagne pas son match contre le Costa Rica. Autre scénario : Haïti devait marquer au moins trois buts d’écart avec le Honduras pour se qualifier.

De ce fait, la victoire des Grenadiers représente un exploit rare. Pour un pays dont 60 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, cette qualification au plus grand événement sportif mondial est synonyme de miracle.

Le même miracle qui a permis à Capois-la-Mort et sa troupe de triompher contre l’armée de Napoléon Bonaparte, cet empereur qui a conquis la majeure partie de l’Europe continentale.

Haïti ne devait pas exister. Tout a été mis en place pour qu’elle trébuche quand elle avançait.

Mais pour quelles raisons l’Occident s’acharne-t-il autant sur la Première République noire ?

Pour son arrogance et sa désinvolture au temps de l’esclavage. Pour avoir participé à la révolution bolivarienne. Et pour avoir été le premier État indépendant à reconnaître la Révolution grecque en 1922.

Un nouveau regard sur Haïti ?

Mais, voyez-vous, chaque fois qu’Haïti tombe, elle parvient à se relever. Toute seule, sans aucune aide.

Et c’est exactement ce que l’équipe haïtienne a fait au stade Erguilio-Hato, mardi soir. Étant devenus la risée du monde en raison de leur pays en chute libre, les Grenadiers se sont relevés et ont su faire tourner le vent en leur faveur.

On pouvait le percevoir dans la voix du descripteur du match à la télévision (probablement un Américain), qui ne pouvait cacher sa joie quand Louicius Deedson et Ruben Providence ont inscrit les buts en or, surtout lorsque la qualification d’Haïti a été confirmée.

Le monde entier est tombé amoureux de cette histoire qui est digne d’un conte de fées.

Sur les réseaux sociaux et sur YouTube, de nombreuses personnes ont exprimé leur admiration envers Haïti.

Un Jamaïcain s’est dit déçu de la disqualification de son pays, mais a affirmé qu’il appuiera Haïti à 100% au Mondial. Un Mexicain a fait savoir que les Haïtiens ont beaucoup souffert, et qu’il était content que les Grenadiers leur apportent cette joie.

« Je suis Croate, mais je lève mon chapeau à l’incroyable effort des Haïtiens », a lâché un internaute qui commentait une publication du réseau américain ESPN.

Bref, cette victoire ne laisse personne indifférent.

Pour le pays, pour les ancêtres

Chaque minute du match comptait. Chaque passe était calculée. Chaque arrêt clé du gardien Johny Placide provoquait un soupir de soulagement. Il ne fallait surtout pas décevoir les jeunes d’origine haïtienne, qui sont en quête de modèles qui les rassemblent, qui parlent la langue de leurs grands-parents.

Mieux encore, la participation des Grenadiers à la Coupe du monde de soccer 2026 permettra au peuple haïtien de cesser d’être « Brésilien », d’être « Argentin » ou « Hollandais ».

L’été prochain, d’une manière ou d’une autre, tous les Haïtiens devront afficher leur patriotisme, comme ils l’ont fait en 1974, quand Haïti a participé à la Coupe du monde.

Poursuivant cette phrase, je pense à Emmanuel Sanon, Guy Saint-Vil, Philippe Vorbe, Pierre Bayonne et tous les autres joueurs qui ont apporté de la fierté au peuple haïtien.

J’entends déjà la voix de certaines personnes qui se posent la question suivante : comment un pays avec peu de moyens financiers a-t-il pu réussir l’impossible en se faufilant dans le plus grand événement sportif du monde ?

Je répondrai simplement qu’Haïti est une habituée des grands événements.

Et, chers compatriotes, avant de terminer, je voudrais vous dire ceci : ne laissez personne vous faire croire que « c’est juste un sport » ou que « la Bataille de Vertières, c’est du passé ».

Car certaines nations donneraient des milliards pour participer à la Coupe du monde de soccer, tandis que d’autres feraient tout pour voler notre glorieuse histoire.

Nous sommes un peuple unique, et nous venons de le prouver.


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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