
On aurait pu croire qu’il s’agissait d’une mauvaise blague de l’humoriste américain Dave Chapelle. Le récit de l’arrestation d’une femme qui était atteinte d’accident vasculaire cérébral (AVC). Le problème s’amplifie lorsqu’on apprend que la personne arrêtée est Noire, et que les policiers sont Blancs. The usual suspects. Il y a toutefois des leçons à tirer de ce triste événement : personne n’est à l’abri d’un AVC et les femmes noires sont également victimes de profilage racial.
Oui, je sais, ce sujet (le profilage racial) est lassant et harassant, mais nous ne devons pas l’ignorer lorsqu’il se présente devant nous, car celui-ci risque de dicter notre existence.
Quand la couleur d’une personne est plus visible que sa douleur
On ne parle pas ici de la vérification de routine classique, où la police utilise des prétextes et des ruses pour interpeller une personne noire. Il s’agit d’un cas assez grave, où une femme noire a failli mourir parce que des policiers du SPVM ont préféré croire qu’elle était intoxiquée plutôt qu’une personne qui avait besoin d’aide médicale.


Selon ce qui a été rapporté dans les médias, Neslyne Meux, une mère de famille de Repentigny, a heurté un mur de ciment alors qu’elle se dirigeait vers Montréal, en début de soirée, le 23 juillet dernier.
Elle a rapidement été interceptée par trois agents du SPVM (deux femmes et un homme) qui l’ont aussitôt mise en état d’arrestation.
Quels ont été les motifs de l’arrestation de la quadragénaire ?
Facultés affaiblies. Genre une droguée, une alcoolique.
Pourtant, les principaux symptômes d’un AVC se manifestaient sur Mme Meus : lenteur inhabituelle, perte de coordination et faiblesse du côté gauche.
Malgré tout cela, elle a été conduite au centre opérationnel de l’est de Montréal pour répondre avec difficulté aux questions des policiers.
Ce qui est le plus alarmant, c’est que les policiers auraient aussi agi de manière incorrecte envers trois jeunes Noirs qui ont porté secours à Mme Meus, peu après qu’elle a perdu le contrôle de sa voiture.
Coupez ! On reprend la scène avec une femme blanche qui conduit l’auto.
On l’appellera Hélène. Au lieu du fameux Tremblay pour désigner les Québécois de souche, on la nommera Bouchard. Et pourquoi pas des cheveux blonds et des yeux bleus pour la rendre plus hellène et lui garantir un niveau de privilège encore plus élevé ?
Le privilège blanc
Lights, Camera, Action !
Après une longue journée au bureau, Hélène Bouchard roulait tranquillement dans sa voiture Audi, quand elle a percuté un mur de ciment, à la sortie menant à l’autoroute en direction de Montréal.


Au même moment, des policiers du Service de police de la Ville de Montréal se sont précipités vers la voiture pour porter secours à Mme Bouchard, qui, visiblement, démontrait des signes de malaise lié à un problème médical.
Ayant constaté que son visage était blême et qu’elle répondait difficilement aux questions qui lui ont été posées, les policiers ont appelé l’ambulance.
Arrivés sur les lieux, les ambulanciers ont rapidement reconnu les signes d’un accident vasculaire cérébral d’Hélène Bouchard, qui a été transportée à l’urgence en un temps record.
Une histoire d’AVC qui finit bien.
Certes, il s’agit d’un simple scénario que j’ai créé afin de souligner le privilège blanc, mais il n’en demeure pas moins que de nombreuses personnes noires vivent cette réalité.
Je n’irais pas jusqu’à ironiser sur l’efficacité des policiers et du service d’urgence 9-1-1 comme le rappeur Falvor Flav l’a fait dans sa chanson 9-1-1 Is a Joke, mais Neslyne Meus doit sa vie sauve grâce à l’intervention de son conjoint qui s’est présenté au poste de police et qui l’a lui-même amenée à l’hôpital.
La « misogynoire » et la déshumanisation de la femme noire
Que s’est-il réellement passé ? Pourquoi les agents du SPVM n’ont pas pu percevoir les symptômes pourtant visibles de Mme Meus ?
Il est difficile de répondre à cette question, je peux toutefois apporter quelques points importants à la conversation.
Tout comme les enfants noirs, qui sont souvent considérés et traités comme des adultes dès l’âge de 13 ans, les femmes noires sont perçues et traitées comme des êtres surhumains qui n’ont pas besoin d’aide. Des superwomen qui « sont toujours en colère » et qui sont méprisées par le féminisme blanc.
Il faut le dire.
Au fil des décennies, il a même été établi que les femmes noires représentent le symbole de la résilience.
Voyez-vous, pour les policiers du SPVM qui ont été impliqués dans cette affaire, si Neslyne Meus a l’habitude de se battre contre les racistes et les sexistes de Montréal, et ce, dans les intersections les plus dangereuses de la métropole, elle peut vaincre ses ennemis sans l’aide de quiconque.

Or, cette forme de déshumanisation, qui puise ses racines dans l’esclavage et le colonialisme, met régulièrement en danger les femmes noires. On n’a qu’à penser entre autres à Breonna Taylor, à Sonya Massey et à Tracy Gaeta.
Aux dernières nouvelles, Mme Meus tente d’intenter une poursuite contre le SPVM, et j’espère que les policiers auront la capacité pour comprendre ce qu’elle ressent.
C’est ce qu’on appelle l’empathie.
Et si ces policiers-là parviennent à connaître l’ABC de l’empathie, ils seront peut-être en mesure de reconnaître les signes d’AVC d’une personne noire.
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