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Mboko : une victoire qui fait voir l’immigration sous un autre angle


À moins que vous viviez en ermite au fond d’une grotte, vous savez que la finale de tennis féminin de l’Omnium Banque Nationale a suscité un grand intérêt dans l’ensemble du Canada. J’ajouterais même ceci : à moins que vous soyez dans le déni total, vous reconnaîtrez que la victoire de Victoria Mboko devrait permettre à certaines personnes qui sont hostiles à l’immigration de voir les immigrants temporaires sous un angle nouveau. 

Avant de poursuivre, entendons-nous sur le point suivant : Montréal a une façon bien à elle de séduire les athlètes qui y séjournent. 

Une étoile est née

À l’instar de l’ancien boxeur Sugar Ray Leonard et de l’ancienne gymnaste Nadia Comaneci, qui ont chacun remporté une médaille d’or aux Jeux olympiques de 1976 et qui gardent un souvenir impérissable de Montréal, la métropole occupera une place privilégiée dans le cœur de Victoria Mboko. 

C’est à Montréal, sur les courts du parc Jarry, que l’étoile de la Canado-Congolaise a commencé à briller. Une victoire contre Naomi Osaka, une ancienne numéro 1 mondiale qui a remporté quatre titres du Grand Chelem, ce n’est pas rien. 

C’est extraordinaire. 

Et c’est pour cette raison que des curieux ont accepté d’acheter des billets à 5000 dollars pour ce match historique. Ils voulaient voir Victoria Mboko en chair et en os et participer à cette célébration qui restera gravée dans la mémoire des Montréalais. 

La communauté congolaise du Canada devrait être fière de sa nouvelle reine au sourire contagieux et au regard innocent qui ne cache rien, à l’exception de son jeune âge (18 ans). 

L’engouement pour cette finale de tennis était palpable, car les médias ont embarqué massivement dans le train de Mboko, et l’ont suivie tout le long de son parcours triomphal. 

La chaîne de télévision sportive RDS a même titré : « Les Québécois sont tombés sous le charme de Victoria Mboko ». 

Comme preuve de ce coup de foudre, au dépanneur Couche-Tard, mercredi soir, j’ai même surpris une vieille dame qui pressait son mari de partir pour qu’elle ne manque pas le reste de la demi-finale de « la petite Noire ». 

Dans un restaurant où j’ai l’habitude d’aller, Joey, un employé, qui est un grand amateur de sport, parlait à juste titre du sang froid et de la force de caractère de Victoria Mboko. D’autres personnes qui se trouvaient dans le resto ont philosophé sur sa beauté et sur son jeune âge. 

Bref, depuis le début du tournoi, le nom de Mboko est sur toutes les lèvres. 

L’importance de l’immigration

Or, dans toute cette euphorie collective, force est de constater que des questions essentielles subsistent. Des questions étroitement liées à Victoria Mboko. 

Par exemple, quelques instants après le sacre de Mboko, je me suis posé cette question : et si les parents de Mboko ne s’étaient pas réfugiés en Caroline du Nord, durant la crise politique du Congo, dans les années 1990 ? 

Encore mieux, si le Canada n’avait pas accepté la nouvelle étoile du tennis et ses parents comme immigrants reçus, aurait-on eu autant de plaisir cette semaine ? 

Bien sûr que non ! 

Et c’est dans des moments comme ceux-ci, quand un athlète venu d’ailleurs dépasse les Américains et les autres, qu’on peut percevoir l’apport des personnes immigrantes au développement économique, culturel et sportif du pays. 

Au risque de me répéter, si je paraphrase l’écrivain Dany Laferrière, l’immigration peut être une richesse pour le Canada et le Québec. 

Laferrière, qui a été admis à l’Académie française, sait de quoi il parle, car il fait partie de cette richesse. Lugentz Dort et Bennedict Mathurin, pour ne nommer que ceux-là, ont également enrichi le Canada. 

Il est donc malheureux que l’on n’aborde le sujet de l’immigration que lorsqu’on pense à la crise du logement, à la criminalité et à l’engorgement des hôpitaux. 

On ne pense jamais aux beaux moments de joie que les enfants des immigrants nous font vivre grâce à leurs talents et leur ténacité. 

Cet oubli volontaire représente un manque de reconnaissance témoigné aux immigrants, en dépit de leur importance. 

Pour conclure, l’ascension de Victoria Mboko ressemble à un conte de fée : un tournoi céleste pour une adolescente qui n’était pas connue du public. 

Revisitons un peu ce moment magique !

Jeudi 7 août, l’heure est enfin arrivée, et le Québec retient son souffle. 

En fait, le Canada en entier retient son souffle. Le verdict doit tomber : qui l’emportera entre Naomi Osaka et Victoria Mboko ? 

Personnellement, j’étais déchiré entre la Nippo-Haïtienne et la Canado-Congolaise. 

Mais étant donné que j’ai regardé cet événement sportif sous l’angle d’enjeux sociaux et politiques, je me suis aperçu que c’est l’immigration qui s’est révélée la grande gagnante de l’Omnium Banque Nationale. 


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

2 Commentaires

  1. Très bon commentaire!Je voulais juste ajouter que l’immigration est un bouc émissaire que les élites occidentales utilisent comme subterfuge pour ne pas avoir à répondre de leur incapacité à régler les problèmes économiques et sociaux causés par le néolibéralisme qu’on nous impose.C’est le gros débat dans plusieurs pays africains,asiatiques,sud américains et des Caraïbes qui continuent de souffrir de l’impérialisme mené par les États Unis,mais le Canada y participe aussi indirectement et c’est bizarre quand le Congo,rempli de richesses,est déstabilisé pour empêcher des pays comme la Chine,la Russie de proposer des modèles gagnants gagnants qui aideraient à améliorer la situation économique et il y’aurait bien moins de réfugiés en Occident.Désolé pour les gros mots,c’est vraiment un sujet qui me tient à cœur.Pour revenir à cette jeune femme,il y’a aussi Alfonso Davies,né dans un camp de réfugiés, et sa famille s’est installée à Edmonton et il est un des meilleurs latéraux gauche au monde et représente le Canada avec fierté lors des compétitions internationales.C’est fou comme le sport peut unir au lieu de diviser!👍🏾👍🏾👍🏾

  2. 👏🏾👏🏾👏🏾👏🏾
    Excellent article. Félicitations pour cette analyse. Ta plume est remarquable.

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