Société

L’ascension des femmes d’origine haïtienne au pouvoir politique


C’est un moment historique qui doit être souligné, voire célébré. La députée de Papineau, Marjorie Michel, devient la première personne d’origine haïtienne à accéder au Conseil des ministres du Canada. Ce n’est pas une surprise, car depuis quelques années, un bon nombre de femmes d’origine haïtiennes tentent de briser « le plafond de verre », c’est-à-dire qu’elles désirent atteindre des sommets qui semblent inatteignables dans le monde politique. 

Au Canada, que ce soit au fédéral, au provincial ou au municipal, les femmes issues de la communauté haïtienne sont de plus en plus nombreuses à participer à la vie politique et occuper des postes à haute responsabilité. 

La politique est l’affaire de tous

Et elles le font avec brio, ne laissant aucun doute sur leurs compétences et leur détermination, dans cet univers où la parité entre les sexes est encore loin d’être atteinte. 

Leurs réussites font d’elles un modèle à suivre, non seulement pour la communauté noire, mais aussi pour la société en général. 

Marjorie Michel lors de sa campagne électorale

Mardi le 13 avril, Marjorie Michel a été nommée ministre de la Santé du nouveau cabinet du premier ministre Mark Carney, succédant à Kamal Khera. 

Pour Mme Michel, qui était cheffe de cabinet adjointe de l’ex-premier ministre Justin Trudeau, cette nomination signifie un pas de plus vers l’objectif ultime. Mais pour la diaspora haïtienne, il s’agit d’un pas de géant dans son cheminement visant à démontrer que ses membres, qu’ils soient à Montréal, New York ou Paris, peuvent accomplir de grandes choses. 

Par exemple, au cours des dernières mois, nous avons eu le plaisir d’assister à la mondialisation de la musique konpa grâce au succès du chanteur franco-haïtien Joé Dwèt Filé, qui est en lice pour le prix de « Best International Act » aux BET Awards, qui auront lieu le 9 juin 2025. 

Nous avons même pu voir la cuisine haïtienne citée dans les manchettes positives des médias au sujet d’un concours du Livre des records Guinness

Or, aujourd’hui, Marjorie Michel, qui a également été conseillère diplomatique à l’ambassade d’Haïti en France, montre à la jeunesse haïtienne que la musique n’est pas l’unique moyen pour faire rayonner sa communauté. 

Que la politique peut être aussi « cool », surtout lorsqu’on joue un rôle clé ou occupe un poste de commande. 

Mieux encore, Marjorie Michel aura l’occasion de prouver aux jeunes de sa communauté qu’en politique, on peut s’affirmer si, bien sûr, notre volonté est réelle.

Un long combat

Tout a commencé avec Michaëlle Jean, quand, le 4 aout 2005, l’ancien premier ministre Paul Martin l’a nommée gouverneure générale du Canada, faisant d’elle la première personne noire à occuper cette fonction. 

Michaëlle Jean, ancienne gouverneure générale du Canada

Le geste de Paul Martin avait provoqué un séisme politique qui a durement frappé le Québec. 

On se souvient que la nomination de Mme Jean, qui est née en Haïti, au poste de gouverneure générale a déplu à des gens à un point tel que l’écrivain Dany Laferrière a dû exprimer dans une lettre publiée à La Presse l’importance qu’attachait la communauté haïtienne à cette nomination. 

Aucun obstacle ne pouvait empêcher Michaëlle Jean d’atteindre son but : marquer l’histoire du Canada et ouvrir la porte à d’autres femmes noires qui désirent faire preuve de leur leadership en politique. 

Cela a porté fruit, car quelques années plus tard, soit en 2016, Dominique Anglade a été assermentée à titre de ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation et ministre responsable de la stratégie numérique au sein du gouvernement libéral du Québec. 

Elle était devenue la première personne d’origine haïtienne à occuper une fonction ministérielle au Canada. 

Et ce n’est pas tout : en 2019, elle a été couronnée cheffe du PLQ, devenant ainsi la première femme à diriger le parti. 

Mais malheureusement, à l’instar de Christiane Taubira, l’ancienne ministre de la Justice de la France, qui a souvent été animalisée par ses pairs qui l’ont traitée de singe, Dominique Anglade a été l’objet d’actes haineux à caractère xénophobe.

Trois années plus tard, en 2022, aux États-Unis, une autre femme d’origine haïtienne s’est distinguée : Karine Jean-Pierre a été nommée porte-parole officielle de la Maison-Blanche. 

Sans oublier Dominique Ollivier, qui était présidente du Comité exécutif de Montréal. Ou encore les députées Makwa-Nika Cadet et Shirley Dorismond. Et les sénatrices Marie-Françoise Mégie et Suze Youance. 

Si on veut remonter plus loin dans l’histoire et nous diriger vers la terre natale, il y a lieu de souligner que, en 1990, Ertha Pascal-Trouillot était devenue la première présidente d’Haïti. 

Bien que cette présidence ait été provisoire, elle représentait un symbole de la lutte pour l’égalité. 

Bref, les femmes d’origine haïtienne se sont battues de manière exemplaire pour avoir leur place sur la scène politique de l’Amérique du Nord, et c’est très rassurant. 

Elles représentent une source d’inspiration et de fierté pour la communauté haïtienne, plus particulièrement pour la gent féminine, qui semble vouloir viser plus haut et aller plus loin. 

Disons bravo à toutes ces femmes vaillantes, et souhaitons plein de bonnes choses à l’honorable Marjorie Michel quant à sa nouvelle responsabilité !


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Auteur

Gagnant du prix Rédacteur (rice) d’opinion aux Prix Médias Dynastie 2022, Walter Innocent Jr. utilise sa plume pour prendre position, dénoncer et informer. Depuis 2017, il propose aux lecteurs du magazine Selon Walter une analyse critique de l'actualité.

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